Les partis de gauche en Allemagne ont demandé mardi le renvoi du nouvel ambassadeur américain à Berlin, un fidèle de Donald Trump accusé d’interférer dans les affaires intérieures et d’aggraver des relations bilatérales déjà très tendues.
Richard Grenell est dans le collimateur à la fois pour avoir déclaré dimanche au site d’extrême droite Breitbart vouloir « soutenir » la droite dure en Europe et pour se comporter en « vice-chancelier » allemand – selon ses détracteurs – en organisant des rencontres avec des dirigeants étrangers de premier plan de passage dans la capitale allemande.
Le responsable social-démocrate Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, a demandé mardi son renvoi à Washington. « Ce que fait cet homme est unique dans la diplomatie internationale », a-t-il dit à l’agence dpa.
« Si l’ambassadeur allemand à Washington disait qu’il était en poste pour renforcer le parti démocrate, il serait immédiatement renvoyé », a-t-il ajouté, après avoir accusé sur Twitter M. Grenell d’agir comme « un officier colonial d’extrême droite ».
L’une des figures de proue de la gauche radicale allemande, Sahra Wagenknecht, a également exigé le départ « immédiat » de l’ambassadeur, arrivé en poste il y a seulement un mois.
‘Des choses à nous dire’
Le mécontentement commence aussi à monter du côté du gouvernement d’Angela Merkel. « Grenell veut renforcer les courants qui en Europe cherchent à stopper voire inverser le processus d’unité européen », a jugé mardi un responsable du parti conservateur de la chancelière pour la politique étrangère, Jürgen Hardt.
Les critiques s’élèvent aussi dans le camp démocrate aux Etats-Unis. Dans un communiqué, la sénatrice Jeanne Shaheen a rappelé que les ambassadeurs « ne doivent pas se mêler de la politique locale ou régionale en soutenant des partis politiques, des candidats ou des causes. Si l’ambassadeur Grenell ne veut pas s’abstenir de déclarations politiques, il devrait être rappelé immédiatement ».
Du coup, un entretien inaugural prévu mercredi de longue date pour l’ambassadeur américain au ministère allemand des Affaires étrangères, avec un secrétaire d’Etat, prend désormais des allures de convocation. « Nous aurons certainement des choses à nous dire », a prévenu mardi le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.
Berlin a déjà demandé lundi, suite à l’interview à Breitbart, « une clarification » à M. Grenell, accusé de se départir des règles de non-ingérence et de neutralité des représentants diplomatiques. Le diplomate y dit vouloir soutenir les « conservateurs partout en Europe », estimant que l’élection de Donald Trump avait insufflé partout un souffle nouveau.
L’ambassadeur haut en couleurs a suscité aussi des remous pour son activisme à Berlin : il a ainsi organisé lundi une entrevue avec Benjamin Netanyahu, en visite en Allemagne, qui sortait tout juste d’une rencontre avec Angela Merkel.
La chancelière allemande venait de réaffirmer sa volonté de maintenir en vie l’accord sur le nucléaire iranien, que rejette catégoriquement le Premier ministre israélien, soutenu par les Etats-Unis.
Relations tendues
De même, l’ambassadeur américain a pris l’initiative d’inviter à déjeuner le 13 juin le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qu’il a qualifié de « rockstar » et dit admirer. M. Kurz, à la tête d’une coalition avec l’extrême droite, a souvent critiqué dans le passé la politique migratoire généreuse de Mme Merkel.
Longtemps freinée par le Sénat américain, la nomination de cet ancien porte-parole de la mission américaine à l’ONU sous l’administration Bush est intervenue seulement fin avril. L’opposition démocrate lui reprochait notamment des tweets sexistes.
Ces accrocs n’aident pas à améliorer les relations bilatérales déjà très tendues entre l’Allemagne et les Etats-Unis.
Le président américain critique régulièrement Berlin pour ses excédents commerciaux très importants et ses dépenses militaires trop faibles. Après l’acier et l’aluminium, l’Allemagne redoute prochainement l’imposition de taxes sur ses exportations de voiture vers les Etats-Unis, secteur-clé de son économie.
Dans un éditorial lundi, le Financial Times voit dans Richard Grenell l’incarnation « de ce qu’est un diplomate Trumpien » et appelle l’Allemagne à tenir bon face « au comportement non diplomatique » de l’ambassadeur.