Le président américain Donald Trump pourrait annoncer ce mercredi 6 décembre (vers 19h à Alger) le transfert de l’Ambassade des États-Unis en Israël de Tel Aviv à Al Qods (Jérusalem), comme il avait promis lors de sa campagne électorale.

Ce transfert voudrait dire une reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem, « comme capitale d’Israël » alors que les Palestiniens n’ont jamais cessé de revendiquer cette cité ancienne comme capitale de leur État.

Dans le monde, la décision du président américain, qui rompt avec une traditionnelle prudence de Washington sur ce dossier, suscite l’inquiétude. Le ministère palestinien des Affaires étrangères a demandé une réunion d’urgence de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) pour étudier les derniers développements.

Pour Ramallah, la décision de Trump, si elle sera annoncée, va annuler tous les efforts de paix. «Transférer l’ambassade à Al Qods et la considérer comme capitale d’Israël est une destruction de tout ce qui a été fait pour la paix. C’est une responsabilité que le président américain et que les États-Unis devront assumer devant le monde entier. Nous, pour notre part, nous ne ferons aucun effort en faveur d’une initiative qui sera proposée par le président Trump. Cela ne veut pas dire la fin de la paix. Il y a encore la Russie, la Chine, l’Europe et le monde multipolaire, pas le monde que possède les États-Unis », a déclaré Nabil Chaath, conseiller du président de l’Autorité palestinienne, à la chaîne Russia Today (RT).

Le mouvement Hamas a, pour sa part, parlé de véritable complot contre les Palestiniens. « Toutes les lignes rouges ont été franchies. Notre peuple, là où il se trouve, ne permettra pas à ce complot d’être exécuté. Toutes les options sont désormais ouvertes pour notre peuple pour défendre sa terre et les lieux saints », a soutenu Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, dans une lettre ouverte publié sur le site du mouvement.

« Journée de colère »

Il a appelé les Palestiniens à sortir dans la rue, ce vendredi 8 décembre, pour dénoncer la décision de Washington. Ce vendredi est proclamée « Yaoum al ghadhab » (Journée de colère). En 1988, lors de la proclamation de l’État palestinien, à Alger, El Qods a été choisie comme capitale.

À Ryad, le roi Selmane Bin Abdelaziz a prévenu, dans un entretien téléphonique avec le président américain, contre toute décision touchant au statut d’Al Qods avant le règlement total du conflit. « Cela va amoindrir les chances de paix et augmenter de la tension dans toute la région. Cette mesure dangereuse risque de provoquer le sentiment des musulmans partout dans le monde en raison de la place d’Al Qods et de sa mosquée. La politique du Royaume est de toujours soutenir le peuple palestinien et ses droits historiques », a déclaré Selman Bin Abdelaziz, cité par l’agence saoudienne SPA.

Ankara prévient contre « le risque d’incendie »

Nickolay Mladenov, l’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient, a estimé, selon Reuters, que le statut futur de Jérusalem « devrait faire l’objet de négociations directes entre Palestiniens et Israéliens » alors que le président turc Recep Tayeb Erdogan a menacé de rompre les relations diplomatiques avec les États-Unis dans le cas où Trump irait jusqu’au bout dans sa logique.

Erdogan a convoqué une réunion urgente de l’OCI à Istanbul la semaine prochaine (la Turquie est le seul pays musulman membre de l’OTAN).  Ankara considère la décision de Trump comme « une grande injustice », « une négation historique » et « une grande folie qui risque de précipiter la région dans un incendie ».

À Téhéran, Hassan Rohani a déclaré qu’El Qods est « une partie intégrante » de la Palestine. « Nous ne tolérons aucune atteinte des lieux saints de l’Islam. Les musulmans doivent s’unir face à ce grand complot », a-t-il appelé. Ali Khamenei, Guide suprême iranien, a, de son côté, qualifié de « geste désespéré » la décision de Trump. « C’est le résultat de l’incompétence des États-Unis », a-t-il tranché.

Le Pape François préoccupé

Au Vatican, le Pape François a exprimé également sa « profonde préoccupation » et a appelé à la prudence pour éviter davantage de violences dans le monde. « J’adresse un appel vibrant pour que tous s’engagent à respecter le statu quo de la ville, en conformité avec les résolutions pertinentes de l’ONU », a-t-il déclaré, repris par l’agence AFP.

Le Vatican a historiquement toujours refusé l’annexion d’Al Qods par Israël préférant « un statut spécial internationalement garanti ». Al Qods est la seule ville au monde à rassembler autant de lieux saints pour les trois religions monothéistes : islam, christianisme et judaïsme.

Selon les résolutions 476 et 478 du Conseil de sécurité, la loi établissant Jérusalem « capitale éternelle et indivisible » d’Israël est sans valeur et constitue « une violation du droit international ». Les mêmes résolutions appellent les États membres de l’ONU à retirer leurs missions diplomatiques de cette ville.

Pour sa part, le roi du Maroc Mohammed VI, qui préside le comité El Qods, a exprimé sa « profonde préoccupation », selon l’agence MAP, face à la volonté du président américain de transférer l’ambassade US à Jérusalem.

« Ce pas est susceptible d’avoir un impact négatif sur les perspectives d’une solution juste et globale au conflit palestino-israélien », a déclaré le souverain marocain. Même inquiétudes à Londres et à Pékin.  Membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine a mis en garde contre « une possible escalade des tensions » dans le cas où Trump met à exécution ce qu’il a promis. « Toutes les parties concernées doivent avoir à l’esprit la paix et la stabilité régionales, être prudentes dans leurs actions et leurs déclarations, éviter de saper les bases d’une résolution de la question palestinienne et s’abstenir d’engendrer une nouvelle confrontation dans la région », a déclaré Geng Shuang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, cité par les agences de presse.

Satisfaction à Tel Aviv

À Tel Aviv, le Premier ministre israélien a évité de commenter la décision attendue de Trump, laissant d’autres responsables parler. Israel Katz, ministre du Renseignement, a déclaré, cité par le quotidien français Le Monde, que l’opposition des Palestiniens à la décision de transférer l’ambassade US à El Qods, « reflète une réticence à reconnaître le droit du peuple juif à un État ».

« C’est un pas en avant, mais un pas naturel  et spectaculaire vers la paix», a soutenu, pour sa part, Naftali Bennet, un leader de la droite extrémiste. Il a souhaité que d’autres capitales suivent « l’exemple » de Washington. Ron Dermer, ambassadeur d’Israël à Washington, n’est pas inquiet sur « le processus de paix ». « Je pense que cela va jeter les bases de la paix, parce que cela signifiera que dans tout accord de paix à l’avenir, Jérusalem sera la capitale d’Israël», a-t-il déclaré.

Le diplomate aurait joué un grand rôle dans l’élaboration de la décision de la Maison Blanche sur El Qods.  Sur les réseaux sociaux, le hashtag « Al Qods, capitale éternelle de la Palestine » en arabe est apparu enregistrant beaucoup de réactions dans les pays arabes et musulmans.