Vingt cinq ans de règne absolu sur la scène politique qui a interdit même aux plus prestigieux dirigeants de la Révolution de créer leur propre parti et de consacrer la démocratie promise dans la Déclaration du 1er-Novembre. Le PRS de Mohamed Boudiaf, le FFS de Hocine Ait-Ahmed, le MDRA de Krim Belkacem, le Parti Communiste et d’autres n’ont pas eu le droit d’exister face au FLN dans lequel toutes les forces politiques s’étaient unies contre le colonialisme.
A l’indépendance, c’est l’option du parti unique qui a été brutalement imposée aux Algériens. Il a fallu la vague d’octobre 1988 pour que la citadelle se fissure. Sans aller jusqu’à l’effondrement.
Quatre mois après les violentes émeutes où le FLN était apparu comme la cible de la colère, le pouvoir décide des réformes qui se sont traduites par la reconnaissance du multipartisme. Conséquence: l’armée quitte les instances du FLN et le chef de l’Etat est proclamé “président de tous les Algériens”.
La reconnaissance est timide puisqu’on évite poliment d’inscrire le mot “parti” dans la Constitution du 23 février 1989. Il a fallu bien des exégèses pour comprendre que c’est bien de cela qu’il s’agissait dans le nouvel article 40 qui a permis le retour des opposants en exil. “Le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu”, était-il écrit. “Ce droit ne peut toutefois être invoqué pour porter atteinte aux libertés fondamentales, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance du pays et à la souveraineté du peuple”, soulignait l’article en son second alinéa.
“Parti-Etat” sous la conduite de Mohamed Cherif Messadia, le FLN a eu du mal à se débarrasser de son arrogance, désignant ses adversaires avec l’acronyme d’ACP au lieu de parti. Trente ans après pourtant et après une cure d’opposition, le FLN continue d’imposer sa suprématie sous l’impulsion du président Bouteflika qui l’a transformé en simple mécanique électorale, réduit à soutenir un programme qui n’est même pas le produit de ses instances.
Pourtant, le “parti” est honni par les Algériens. Preuve de la haine qu’il a fini par cristalliser, le FLN avait perdu la bataille politique dès les premières élections pluralistes organisées dans le pays. Il perdait la majorité dans les APC et APW, passées sous le contrôle de partis à peine nés.
La vague du FIS commence à déferler, grossissant sous l’effet de la haine vouée à l’ancien parti unique. Reconnu contre l’esprit de la loi sur les parti, le parti de Abassi Madani et Ali Belhadj a échappé à ceux qui l’ont “fabriqué” pour faire peur aux citoyens et les détourner des forces démocratiques. Résultat : il remporte haut la main le premier tour des premières élections législatives et se trouve en position de former son gouvernement et de pousser vers la conquête de la présidence de la République.
L’armée décide d’arrêter le processus et presse Chadli de démissionner. en janvier 92. Il est remplacé par un Haut Comité d’Etat, dirigé par Mohamed Boudiaf. Coup de théâtre : la direction du FLN , conduite par Abdelhamid Mehri, dénonce un coup d’Etat et refuse de reconnaître ce qu’elle appelle une “autorité de fait”. Le FLN se range dans une opposition radicale à Boudiaf et au gouvernement de Sid Ahmed Ghozali qui engagent le processus de sa dissolution et lancent le projet d’un Rassemblement Patriotique National. Le RPN mourra dans l’œuf sur les traces de son créateur, assassiné après seulement six mois à la tête du HCE.
Échappé de la dissolution, le FLN connaît un schisme entre ses militants et sa direction qui milite pour la réhabilitation du FIS dissous en avril 1992. Le BP s’allie aux islamistes, au FFS et au MDA et défend une “solution politique” contre le choix “sécuritaire” du HCE. L’alliance se contente de dénoncer “la violences d’où qu’elle vienne” pour suggérer que les islamistes n’en sont pas les seuls auteurs.
La Direction du FLN reste sur cette ligne, signe le “contrat de Rome” négocié sous la supervision de l’association Sant’Egidio et boycotte l’élection présidentielle de novembre 1995, rempotée par Liamine Zeroual.
Las de cette opposition, le pouvoir finit par obtenir la tête de Abdelhamid Mehri, remplacé par Boualem Benhamouda au terme de ce qu’on avait appelé un “coup d’Etat scientifique”.
Comme si la vengeance n’était pas complète, le pouvoir crée un nouveau parti avec en majorité des cadres issus du FLN et de l’administration. C’est le RND, “le bébé moustachu” qui remportera les élections de 1997, devenant la première force politique, à la grande déception de Boualem Benhamouda perdu dans la dénonciation de la fraude. La domination du RND durera un mandat.
Avec le retour triomphal de Bouteflika, le FLN devient la première force politique. En tout cas, celle qui compte le plus d’élus. Il se vouera à la défense du chef de l’Etat désigné président d’honneur du parti. Le RND, produit du général Betchine, sera relégué à une simple force d’appoint.
Trente ans après la reconnaissance du multipartisme, le FLN a cessé d’être le “parti unique” mais reste un parti unique au service exclusif du président Bouteflika.