De nouvelles marches sont attendues à travers le pays ce vendredi 25 octobre pour le trente-sixième acte de la révolution populaire. La semaine qui s’achève a vu le hirak entamer son neuvième mois avec une forte mobilisation.
Mardi, les étudiants ont marché en grand nombre sous une pluie battante, à Alger et dans plusieurs autres villes. Au même moment, le moudjahid Lakhdar Bouregaâ refusait de répondre aux questions du juge. « Je ne vais pas trahir le hirak », lui a-t-il lancé après avoir dit ce qu’il pensait du système, de la justice.
Avant de défier frontalement le juge, Bouregaâ s’était déjà distingué par d’autres gestes qui en disent long sur sa détermination. Il s’était dit disposé à entamer une grève de la faim en compagnie d’autres détenus, puis a refusé de bénéficier d’une éventuelle libération si un seul détenu du hirak restait en prison.
L’attitude du vieux maquisard, en prison depuis le 30 juin, a été saluée sur les réseaux sociaux par les activistes et les citoyens qui sans doute devraient le faire aussi de vive voix dans la rue lors des marches de ce vendredi. A vrai dire, ni Lakhdar Boutregaâ ni les autres détenus d’opinion, au nombre d’une centaine, n’ont été oubliés par les manifestants tout au long de ces quatre derniers mois.
La semaine passée, le hirak est même passé à un autre mode de protestation, précisément contre l’emprisonnement de militants et de manifestants, consistant à recourir à tout ce qui peut être bruyant, ustensiles de cuisine, klaxons, youyous. Jeudi soir, la veille du trente-sixième vendredi, l’opération « mortier », ou « pilon » a été suivie à Alger et dans plusieurs autres villes.
La semaine a aussi vu la programmation de plusieurs procès des premiers détenus du hirak, ceux arrêtés en juin pour avoir brandi le drapeau amazigh. Au tribunal de Sidi M’hamed, le jeune Messaoud Leftissi, qui n’a ni 86 ans ni été commandant de l’ALN, a eu la même attitude que Bouregaâ devant les juges. « Je ne suis pas ici pour justifier mes convictions. Si je sors d’ici, je brandirai le drapeau amazigh », a-t-il lancé. Les verdicts n’ont pas été prononcés, mais beaucoup croient, du moins espèrent-ils, que le cauchemar de tous les détenus est sur le point de prendre fin.
Outre la réaffirmation de la solidarité avec les détenus d’opinion, des slogans en lien avec la présidentielle du 12 décembre devraient également être entendus ce vendredi. Le scrutin est le principal objet de discorde entre la rue et le pouvoir qui semble foncer tête baissée vers cette échéance.
Cette semaine, plusieurs candidatures ont été actées avec le début du dépôt des dossiers au niveau de l’Autorité électorale. Parfaite illustration du déphasage entre l’aspiration du hirak populaire au changement et à la rupture avec le système Bouteflika et l’élection présidentielle telle qu’elle se présente, le premier à avoir déposé son dossier, c’est Azzedine Mihoubi, le secrétaire général du RND. Il a été suivi hier jeudi par Abdelkader Bengrina, un autre ancien ministre de Bouteflika.
Ali Benflis et Abdelmadjid Tebboune, les deux candidats crédités de sérieuses chances de gagner, devraient le faire durant le week-end. Cette étape du processus électoral coïncide avec le passage du hirak à la vitesse supérieure et d’autres moyens d’action.
Outre l’opération « mortier », une grève générale est annoncée pour le 28 octobre, la première depuis le début du mouvement. L’initiative est certes venue du monde syndical, mais elle a déjà reçu le soutien d’une partie de la classe politique, dont les partis de l’alternative démocratique.
Pour la date symbolique du 1er novembre, c’est une méga-marche nationale qui est prévue à Alger.
Il reste à espérer que les forces de l’ordre adoptent la même retenue constatée ces dernières semaines. Lors des dernières marches de vendredi et de mardi, aucune tentative de répression ou arrestation n’a été enregistrée. Néanmoins, les activistes continuent à être harcelés. Deux d’entre eux ont été en effet incarcérés dans la semaine à Sidi Bel-Abbès et Annaba.