Donald Trump a déclaré dans un entretien au New York Times qu’il n’aurait jamais proposé le poste de ministre de la Justice à Jeff Sessions s’il avait su que ce dernier allait se récuser dans l’enquête sur la Russie. Ce terrible désaveu du chef d’État à l’encontre d’un personnage central du gouvernement traduit les doutes qui pèsent actuellement sur la présidence américaine.
La guerre entre Donald Trump et son ministre de la Justice prend de l’ampleur. Dans un entretien accordé au New York Times ce mercredi 19 juillet, le président américain a déclaré qu’il n’aurait jamais nommé Jeff Sessions à la tête du département de la Justice s’il avait su que son ministre allait se récuser dans l’affaire russe.
Des élus républicains et démocrates avaient appelé le ministre de la Justice à se récuser sur les investigations du FBI concernant la Russie. (Crédits : Reuters/Yuri Gripas)
Une récusation en cause
Dans cet entretien publié dans le quotidien américain, Donald Trump a expliqué: « Sessions n’aurait jamais dû se récuser , et s’il voulait se récuser, il aurait dû m’en parler avant d’accepter le poste et j’aurai pris quelqu’un d’autre ». Le président américain a par la suite expliqué :
« Jeff Sessions a accepté le job, a pris ses fonctions et s’est récusé avec franchise. Je pense que c’est vraiment injuste pour un président […] Comment faites-vous pour accepter un poste et vous récuser ensuite ? S’il voulait se récuser avant de prendre le poste, je lui aurais dit ‘Merci Jeff, mais je ne vais pas te prendre’. C’est extrêmement injuste – et le mot est faible – pour le président », a-t-il ajouté.
Lors d’une conférence de presse en mars dernier, Jeff Sessions avait annoncé qu’il se retirait de toute enquête sur l’ingérence de la Russie dans la campagne présidentielle. « Je me récuse sur toutes les affaires qui traitent de la campagne de Trump. » Cela faisait suite à une demande de plusieurs élus républicains qui voulaient écarter d’éventuelles critiques sur le bon déroulement et l’intégrité des enquêtes. En effet, son poste de procureur général lui permet de superviser le département de la Justice et le Federal Bureau of Investigation (FBI) en charge des investigations sur le rôle du Kremlin dans la campagne.
Des mensonges critiqués
L’ancien présentateur de téléréalité a aussi critiqué Jeff Sessions pour son témoignage lors de sa confirmation devant le Sénat, quand l’ancien sénateur de l’Alabama a expliqué qu’il n’avait pas eu de contact avec la Russie. Il avait déclaré sous serment « être au courant d’aucune activité » entre des membres de l’administration russe et l’équipe de campagne de Trump. Or la presse américaine a révélé qu’il avait eu deux rencontres entre Jeff Sessions et l’ambassadeur russe Sergey Kislyak basé aux États-Unis alors que Jeff Sessions était membre du comité influent des forces armées du Sénat et un des conseillers importants de Donald Trump en matière de politique étrangère. Fervent soutien du candidat républicain, il avait rejoint son équipe en février 2016. L’une des rencontres a eu lieu en septembre dans le bureau de Jeff Sessions au moment où le renseignement américain tentait d’obtenir des informations sur le rôle de la Russie pendant la campagne présidentielle. La seconde rencontre a eu lieu en juin 2016. Pour M.Trump, « Jeff Sessions a donné de mauvaises réponses […] Il a donné quelques réponses à des questions simples et il aurait dû donner de simples réponses, mais il ne l’a pas fait. »
Du soutien à l’humiliation
Ces déclarations de l’ancien magnat de l’immobilier illustrent un changement radical de sa position à l’égard de son ministre en quelques mois. Lors d’un déplacement à Newport News, en Virginie, Trump avait accordé son soutien total à son ministre dont l’opposition démocrate avait demandé la démission. Il avait vanté l’honnêteté de Jeff Sessions dans une série de messages postés sur Twitter :
Jeff Sessions is an honest man. He did not say anything wrong. He could have stated his response more accurately, but it was clearly not….
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) March 3, 2017
« Jeff Sessions est un honnête homme. Il n’a rien dit de mal. Il aurait pu formuler sa réponse plus précisément, mais ce n’était clairement pas intention. »
Alors qu’il visitait un porte-avions en Virginie, le président américain avait déclaré « qu’il ne pensait pas » que Sessions devait démissionner de son poste. Le 45e président américain avait également dénoncé « une chasse aux sorcières ». Il s’en est ensuite pris aux démocrates auxquels ils reprochent « d’exagérer pour sauver la face après une élection perdue ». Mais les enquêtes et les révélations se sont multipliées depuis et Donald Trump semble bien moins solidaire avec les membres du gouvernement et ses fidèles soutiens.
Un poste à hauts risques
Le poste d’Attorney general (procureur général) est actuellement soumis à de fortes pressions aux États-Unis. Quelques jours après son arrivée au pouvoir, Donald Trump avait commencé par limoger la ministre de la Justice par intérim, Sally Yates. Selon un communiqué de la Maison-Blanche, « la procureure générale par intérim, Sally Yates, a trahi le ministère de la Justice en refusant d’appliquer un ordre légal destiné à protéger les citoyens des États-Unis ». Cette dernière avait refusé de défendre et d’appliquer le décret très controversé sur l’immigration signé par Donald Trump quelques jours seulement après son arrivée à la Maison-Blanche.
Par ailleurs, les critiques du chef d’État à l’égard de son ministre interviennent dans un contexte très tendu pour la présidence. Le fils aîné Donald Trump Jr et l’ancien directeur de campagne Paul Manafort doivent être entendus la semaine prochaine par la commission du Sénat sur le renseignement. Ils devraient être interrogés sur leur rencontre avec une avocate russe au mois de juin 2016 à la Trump Tower en pleine campagne présidentielle. Six mois après sa prise de fonction, Donald Trump semble vouloir couper les ponts avec ses plus fidèles lieutenants à un moment où sa popularité décline fortement.
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