Au lendemain de son retrait fracassant de l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump se retrouve isolé face à ses alliés européens, engagés mercredi dans une course contre la montre pour convaincre l’Iran de ne pas relancer la course à la bombe atomique au Moyen-Orient.
Le président des Etats-Unis, qui a choisi mardi l’option la plus radicale en rétablissant toutes les sanctions levées depuis la signature de ce texte emblématique en 2015, a réitéré sa menace: si l’Iran « relance son programme nucléaire », « il y aura des conséquences très graves ».
L’Arabie saoudite, un des rares pays, avec Israël, à soutenir fermement le choix de Washington contre leur bête noire commune, l’Iran chiite, a aussi adressé sa mise en garde. « Si l’Iran se dote d’une capacité nucléaire, nous ferons tout notre possible pour faire de même », a prévenu sur la chaîne américaine CNN le chef de la diplomatie du royaume sunnite, Adel al-Jubeir.
Ces avertissements ne masquent pas l’isolement américain, alors que les risques d’escalade font craindre de nouveaux conflits. Le ministre américain de la Défense Jim Mattis, considéré comme un modéré dans un gouvernement de plus en plus dominé par les « faucons », a assuré mercredi que la diplomatie restait la voie privilégiée face à la République islamique.
Mais pour l’instant, les Européens ont pris les discussions en main sans les Américains, que Londres a exhorté « à éviter toute action qui empêcherait les autres parties de continuer à faire que l’accord fonctionne ».
Le président français Emmanuel Macron, qui reste en première ligne après avoir échoué à infléchir la position de Donald Trump, s’est longuement entrenu par téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani.
– « Garantie définitive » –
Selon Paris, les deux hommes vont « poursuivre leur travail commun » pour continuer à appliquer le « plan d’action » de 2015, via des « groupes de travail » irano-européens mis en place « sans délai ». Hassan Rohani, un des pères du texte, a dit à Emmanuel Macron qu’il ferait « tout pour rester dans l’accord », a rapporté la présidence française.
« Nous allons respecter l’accord et nous ferons tout pour que l’Iran se tienne à ses obligations », a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.
Les chefs de la diplomatie des trois pays européens signataires du texte (France, Allemagne, Royaume-Uni) rencontreront en début de semaine prochaine leur homologue iranien Mohammad Javad Zarif, a précisé le ministre français Jean-Yves Le Drian.
Car si Téhéran n’a pas immédiatement claqué la porte à son tour, Hassan Rohani tout comme l’ayatollah Ali Khamenei, qui a la haute main sur les grands dossiers du pays dont le nucléaire, ont réclamé des garanties solides et « réelles » des Européens.
« Si vous ne réussissez pas à obtenir une telle garantie définitive – et je doute réellement que vous puissiez le faire – à ce moment on ne pourra plus continuer comme ça », a dit le guide suprême iranien au gouvernement du modéré Rohani. Sans résultats dans les prochaines semaines, l’Iran agite le spectre d’une reprise de l’enrichissement d’uranium « sans limite » qui achèverait définitivement l’accord.
Le texte conclu en 2015 vise à faciliter les échanges commerciaux avec l’Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internationales en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.
« L’accord n’est pas mort », a martelé Jean-Yves Le Drian en évoquant un risque de « déflagration » et de « confrontations » si Téhéran se retire et entraîne d’autres pays de la région dans une course à l’armement atomique.
La Chine, autre signataire avec la Russie, a également appelé à sauvegarder un accord qui « contribue à préserver la paix ».
– « Montrer les dents » –
Les Européens doivent donc trouver les moyens de préserver leurs entreprises et répondre aux attentes des Iraniens. Ils vont tenter d’obtenir de Washington que leurs entreprises engagées en Iran échappent aux sanctions américaines.
Mais de l’aveu même de responsables européens, leur marge de manoeuvre est très réduite.
« L’accord est probablement impossible à sauver (…) Celui qui investit en Iran sera frappé de sanctions américaines, et c’est impossible à compenser », a estimé le président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, la chambre des députés allemande, Norbert Röttgen.
Les Européens vont devoir « mettre de côté leurs divergences » sur l’Iran et, au risque d’exacerber les tensions transatlantiques, « montrer les dents » face aux Etats-Unis pour réduire l’exposition de leurs entreprises, a expliqué à l’AFP Ellie Geranmayeh, experte à l’European Council on Foreign Relations.
Au-delà du sort de l’accord lui-même, la France tente de relancer son initiative d’accord « plus large », portant sur les préoccupations américaines, à savoir les engagements nucléaires iraniens au-delà de 2025, le programme balistique de Téhéran et son influence régionale dans la région. L’Iran s’est jusqu’ici montré très hostile à toute discussion en ce sens.