En remaniant son équipe, Donald Trump a confié la politique étrangère des États-Unis à des “faucons” volontiers va-t-en-guerre à l’approche d’échéances cruciales sur la Corée du Nord et l’Iran, donnant plus que jamais l’impression de vouloir faire cavalier seul sur la scène internationale.
Après sa première année à la Maison Blanche marquée par le désengagement américain de plusieurs accords internationaux, 2018 prend une tournure belliqueuse: le président républicain vient coup sur coup de faire planer le spectre d’une guerre commerciale avec Pékin et de choisir un conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, décidé à en découdre avec Pyongyang.
“Donald Trump est maintenant prêt à engager des guerres sur trois fronts”, a même estimé le président du très respecté centre de réflexion Council on Foreign Relations: “politique”, en critiquant l’enquête sur le rôle de la Russie dans son élection; “économique contre la Chine et d’autres”; et enfin “une vraie guerre contre l’Iran et/ou la Corée du Nord”. “C’est le moment le plus dangereux de l’histoire moderne des États-Unis, et ceci en grande partie à cause de nous”, prévient cet ex-diplomate.
John Bolton, l’ex-ambassadeur à l’ONU au franc-parler et à l’épaisse moustache, complète une équipe profondément remaniée. Exit son prédécesseur H.R. McMaster, qui suit son adjointe Dina Powell et surtout le chef de la diplomatie Rex Tillerson, brutalement limogé la semaine dernière. Ces trois-là faisaient partie, selon une métaphore prisée du milieu diplomatique à Washington, des rares “adultes” de l’administration chargés de veiller à ce que “l’enfant” Trump ne fasse pas trop de bêtises.
Le choix de Mike Pompeo pour remplacer Rex Tillerson avait déjà fait sursauter nombre d’observateurs, qui y ont vu un premier signe d’un retour aux méthodes en vigueur sous George W. Bush: le directeur sortant de la CIA “a exprimé son soutien au recours à des techniques d’interrogatoire qui correspondent à de la torture” et a tenu par le passé des “propos discriminatoires à l’égard des musulmans américains, des femmes et de la communauté LGBT”, affirme l’organisation Human Rights Watch dans une lettre demandant aux parlementaires de ne pas confirmer sa nomination.
L’arrivée à la tête de la CIA de son adjointe Gina Haspel, au passé sulfureux lié au programme de torture après le 11-Septembre, n’a pas dissipé les craintes.
– “Changements de régime” –
Surtout, Mike Pompeo, apprécié parmi les républicains, est aussi opposé que Donald Trump à l’accord censé empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique, jugé trop faible. Pour les spécialistes du dossier, ce texte historique a désormais peu de chances de franchir le cap du 12 mai, lorsqu’expirera l’ultimatum donné par le président américain aux alliés européens pour le durcir.
Mais la nomination de John Bolton, “faucon parmi les faucons”, a ébranlé jusque dans les rangs de la droite.
“Si Pompeo égale accord probablement mort, Bolton égale mort et enterré”, a déploré le président de l’International Crisis Group Robert Malley, conseiller de l’ex-président démocrate Barack Obama pendant la négociation du texte. Mais même Mark Dubowitz, du groupe de pression conservateur Foundation for Defense of Democracies (FDD) fermement opposé à l’accord iranien, regrette que les partisans d’un retrait pur et simple risquent maintenant de l’emporter sur ceux qui préféreraient “améliorer” le texte.
C’est toutefois le sort de la crise liée aux ambitions nucléaires de Pyongyang qui inquiète le plus. Là aussi, le mois de mai sera déterminant, puisqu’il devrait voir la tenue d’un sommet historique entre Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
La préparation de cette échéance a été invoquée par la Maison Blanche pour justifier le jeu de chaises musicales. Le président, persuadé que son discours martial a poussé la Corée du Nord à discuter, veut-il y arriver en position de force en montrant que l’option militaire reste sur la table ?
Quoi qu’il en soit, John Bolton, lui, n’en fait pas mystère: en partisan des “guerres préventives”, qui n’a jamais regretté l’invasion de l’Irak échafaudée avec d’autres néoconservateurs malgré le prix que la région et les États-Unis continuent de payer quinze ans plus tard, le bouillant diplomate estime que Washington ferait mieux de frapper la Corée du Nord sans attendre.
Et à Téhéran comme à Pyongyang, il plaide pour des “changements de régime” — une stratégie jusqu’ici bannie par Donald Trump, grand pourfendeur de la guerre en Irak.
John Bolton est en fait “une menace pour la sécurité nationale”, écrivent Colin Kahl et Jon Wolfsthal, d’autres anciens de l’équipe Obama, dans Foreign Policy, dénonçant son penchant va-t-en-guerre.
In fine, rares sont les “adultes” qui restent dans l’administration pour rassurer ses détracteurs. L’un d’eux est le général Jim Mattis, ministre de la Défense et pourtant l’un de plus grands défenseurs de la voie diplomatique depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir.