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Tunisie : auditions publiques sur la répression de manifestations en 2012

Tunisie : auditions publiques sur la répression de manifestations en 2012

Plusieurs Tunisiens ont livré vendredi soir leur témoignage sur la répression de manifestations ayant fait des centaines de blessés à la chevrotine en 2012, dont les images ont marqué la mémoire collective.

Des victimes mais aussi de hauts responsables alors au pouvoir se sont exprimés en direct ou dans des extraits enregistrés, lors de cette séance d’auditions publiques retransmise à la télévision et consacrée aux violences à Siliana, ville déshéritée située à 120 km au sud-ouest de Tunis.

C’est l’Instance Vérité et Dignité (IVD), chargée de recenser les violations des droits de l’homme de 1955 à 2013, qui organisait cette séance, la douzième du genre.

Taïeb Kramet, 52 ans, a raconté qu’il était devant chez lui et ne participait pas aux manifestations lorsqu’il a été atteint d’une centaine de grains de chevrotine aux jambes, alors qu’il était de dos.

« La douleur persiste encore aujourd’hui », a dit M. Kramet, qui a gardé des séquelles affectant ses mouvements.

Souad Taamallah, elle, allait acheter du pain avec sa fille lorsqu’elles ont été visées par un policier « qui semblait se cacher derrière un arbre ».

« J’ai été atteinte à la poitrine, aux jambes, aux mains et ma fille au cou », a dit Mme Taamallah.

« Nous voulons savoir qui est venu nous tirer dessus, qui les a envoyés avec de la chevrotine. Nous voulons qu’ils rendent des comptes et qu’ils s’excusent », a-t-elle martelé.

Ces évènements se sont produits sous le gouvernement dominé par les islamistes d’Ennahdha, au pouvoir de fin 2011 à début 2014.

Fin novembre 2012, près de deux ans après la révolution qui a balayé la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, des manifestations avaient été organisées à Siliana pour réclamer la libération de personnes détenues depuis 2011, un plan de développement économique pour cette région très pauvre, et le départ du gouverneur.

Les protestations avaient tourné à l’affrontement entre policiers et manifestants. Des centaines de personnes -protestataires ou passants – avaient été blessées à la chevrotine.

Au moins une vingtaine de personnes avaient été éborgnées ou aveuglées par les tirs et l’armée avait fini par se déployer dans la ville pour rétablir le calme. Les images de personnes aux yeux ensanglantés et au visage ou au torse constellé de trous restent vivaces chez de nombreux Tunisiens.

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Ali Larayedh, issu du parti islamiste Ennahdha, a justifié l’usage de la force par le fait que « les manifestations étaient violentes ».

« Des dizaines d’agents ont été blessés » et des manifestants ont mis le feu à des institutions publiques et à des postes de police, a-t-il affirmé dans une audition enregistrée.

« Espérons que l’Etat assumera ses responsabilités dans ce dossier », a conclu la présidente de l’IVD, Sihem Bensedrine.

« Cacher la vérité nourrit les rumeurs et alimente le ressentiment » alors que tirer les responsabilités au clair permettra de construire « une unité nationale sur des bases solides », a-t-elle ajouté.

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