Le parti islamiste Ennahdha est arrivé en tête à Tunis à l’issue des premières municipales démocratiques du pays, un résultat qui ne lui garantit cependant pas de contrôler la capitale à défaut de majorité.
Ennahdha a obtenu 21 sièges sur 60 dans la capitale, tandis que le parti présidentiel Nidaa Tounès, en a obtenu 17, selon les résultats préliminaires officiels annoncés mercredi par l’instance chargée d’organiser les élections (Isie).
De la même façon, des estimations donnent Ennahdha en tête dans nombre de grandes villes – mais là encore, sans majorité.
Les résultats officiels du scrutin de dimanche, marqué par une abstention massive – 64,4% selon les chiffres mis à jour mercredi – sont en train d’être annoncés.
“Ennahdha doit composer avec les autres, au premier rang desquels Nidaa Tounès mais pas seulement”, a souligné le politologue Selim Kharrat, président de l’ONG Al Bawsala, observatoire de la vie politique tunisienne.
Les indépendants sont crédités par des estimations de scores importants.
“La véritable carte politique dépendra de la capacité d’Ennahdha à négocier et rallier des coalitions à l’échelon local”, poursuit M. Kharrat.
Les négociations se déroulent entre les chefs de partis, soucieux d’éviter un bras de fer qui pourrait peser sur l’équilibre politique au niveau national, reposant depuis 2014 sur une alliance de circonstance entre Ennahdha et Nidaa Tounès.
Si la candidate d’Ennahdha, Souad Abderrahim, parvenait à emporter l’adhésion d’une majorité absolue de conseillers municipaux, elle deviendrait la première femme maire de la capitale, un poste jusque là attribué par le président de la République.
Cette pharmacienne non-voilée de 53 ans, ancienne député Constituante (2011-2014), est une compagne de route des islamistes de longue date, et atout dame d’un parti cherchant à rassurer et faire valoir sa modération.
– Scission –
Mais plusieurs responsables de Nidaa Tounès ont rejeté cette perspective.
L’un d’eux, Foued Bouslema, a estimé qu’une femme ne pouvait être maire de Tunis en raison des traditions “islamiques”.
Nidaa Tounès a aussitôt souligné que les propos de M. Bouslama n’engageaient “que lui-même et ne représentent pas le mouvement”.
Mardi déjà, un autre cadre de Nidaa Tounès, Wissem Saïdi, avait estimé que son parti serait en mesure de “constituer une majorité” autour de son candidat Kamel Idir, “futur maire de Tunis”, selon lui. “Il n’y a aucune intention de faire des alliances avec Ennahdha pour les municipales”, a-t-il martelé.
M. Idir, lui aussi pharmacien, est l’ancien président de l’une des principales équipes de foot du pays, le Club africain, et s’est lancé en politique en 2011 après avoir administré une municipalité de la périphérie de Tunis en 2004-2005.
La question d’une alliance avec les islamistes divise le parti, déjà soumis à de nombreuses dissensions du fait d’une querelle de chefs.
Sorti vainqueur des législatives et présidentielle en 2014 sur une plateforme anti-islamiste, Nidaa Tounès avait ensuite scellé une alliance avec Ennahdha, toujours en vigueur à ce jour.
La direction du parti islamiste a indiqué à plusieurs reprises qu’elle souhaitait prolonger cette alliance à l’échelon local.
Mais pour M. Kharrat c’est “forcément une période de tensions qui s’ouvre, cela va donner le coup de départ à la scission entre Nidaa Tounès et Ennahdha à l’approche des scrutins de 2019”: législatives et présidentielle.
Les électeurs ont en effet sanctionné, par l’abstention et un vote non-partisan, l’alliance entre les deux partis dominants.
Les 7.212 conseillers municipaux élus dimanche dans les 350 municipalités du pays ont jusqu’à juillet pour élire leurs maires.
Ces élections, le premier scrutin local de l’après révolution de 2011, sont cruciales pour enraciner la démocratie, et lancer la décentralisation du pouvoir prévue par la Constitution.
En Tunisie, pays très centralisé, les municipalités étaient jusque là dépendantes d’une administration centrale souvent clientéliste.