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Tunisie : les rumeurs sur la santé de Kaïs Saïed attisent la crise

Les rumeurs sur la santé du président de la République sont aussi un signe d’instabilité politique d’un pays. En Tunisie, qui vit des tensions politiques et sociales aiguës, il a suffi que le président Kaïs Saïed s’efface de l’espace public pendant une dizaine de jours pour qu’un vent de panique gagne tout le pays, sur fond de folles rumeurs sur la santé du chef de l’État.

Kaïs Saïed n’a pas été vu en public entre le 22 mars et le 3 avril. Des rumeurs circulent depuis quelques jours, notamment sur les réseaux sociaux quant à une grave maladie du président tunisien ou encore à une prise du pouvoir par l’armée.

Lundi 3 avril, c’est le chef de la principale coalition de l’opposition, le Front du salut national (FNS) qui a évoqué l’absence du président Kaïs Saïed, appelant le gouvernement à dévoiler ses raisons.

Cette interpellation a fait sortir Saïed de son silence et il a fait le jour même sa première apparition publique depuis le 22 mars. Le président tunisien a reçu au palais présidentiel de Carthage sa cheffe du gouvernement, Najla Bouden.

Dans une vidéo diffusée par les services de la présidence tunisienne, Kaïs Saïed a démenti formellement les rumeurs sur son état de santé ou encore la prise du pouvoir par l’armée, indiquant que ceux qui colportent ces rumeurs « ont perdu la boussole » et « ne méritent que mépris ».

Dans son appel au gouvernement, le chef du FNS, Nejib Chebbi, avait, tout en exigeant que soient dévoilées les raisons de l’absence du président Saïed, évoqué une « vacance du pouvoir ».

En cas de courte vacance de la présidence, c’est à la cheffe du gouvernement d’assurer l’intérim, a-t-il rappelé. Si la vacance venait à durer, il faudrait lancer « des consultations » entre la classe politique, a suggéré Chebbi, pour éviter ce qu’il a qualifié de « grande catastrophe » à cause du vide législatif actuel, le président du conseil constitutionnel, qui doit assumer l’intérim en cas de vacance du pouvoir conformément à la constitution adoptée en 2022, n’étant pas encore installé.

Le président tunisien Kaïs Saïed victime d’un infarctus ?

« Une vacance du pouvoir ? Un vide ? Ces gens ne méritent que mépris », a indiqué le président tunisien lors de la réception de sa cheffe du gouvernement. La vacance « est dans leurs têtes, ces gens ont perdu la boussole, ils sont obsédés par le pouvoir », a-t-il ajouté à propos de ceux qui évoquent ces rumeurs.

Des propos de Kaïs Saïed, il ressort qu’il a seulement « attrapé froid ». Mais l’agence italienne Nova croit savoir qu’il a été victime d’un léger infarctus. Le chef de l’État tunisien a été transféré à l’hôpital le 30 mars pour un infarctus léger et reprendra le travail mercredi 5 avril, a précisé l’agence italienne, citant des sources diplomatiques.

Le « vide législatif » évoqué par le responsable du FNS est une des conséquences de ce qui est qualifié de « coup de force institutionnel » effectué par Kaïs Saïed en juillet 2021 lorsque le président tunisien, élu démocratiquement en 2019, avait suspendu le Parlement et limogé le gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahdha.

Depuis, le chef de l’État tunisien est accusé par l’opposition de « dérive autoritaire » et de concentrer tous les pouvoirs. Un nouveau parlement a été élu et une nouvelle constitution a été adoptée en 2022, prévoyant, en cas de vacance de la présidence de la République, que l’intérim soit assuré par le président du Conseil constitutionnel. Or, ce dernier n’est toujours pas installé.

En février dernier, une vague d’arrestations a touché plusieurs figures de l’opposition et du monde des affaires, dont des responsables du parti Ennahdha et des avocats.

Le 21 février, Kaïs Saïed s’est planté une épine supplémentaire dans le pied en tenant des propos sur les migrants subsahariens, qualifiés par la presse et les organisations internationales de « racistes » et « xénophobes ».

Alors que le fossé se creusait entre le pouvoir et l’opposition, la situation socio-économique de la Tunisie a continué de s’enliser, avec une crise financière aiguë et de graves pénuries des produits alimentaires de première nécessité.

En mars, la Banque mondiale a annoncé qu’elle suspendait son partenariat avec la Tunisie suite aux propos du président Saïed sur les migrants. Avec le FMI, les discussions pour un prêt de deux milliards de dollars sont actuellement suspendues.

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