La Tunisie a connu vendredi une nouvelle journée de manifestations dans le cadre de la contestation sociale déclenchée contre la loi de finances, à l’approche du septième anniversaire de la révolution.
Les manifestants étaient vendredi quelques centaines à travers le pays, où les heurts étaient largement moins importants que les jours précédents, selon les autorités.
Plusieurs villes avaient connu ces derniers jours des émeutes nocturnes, des troubles alimentés par un chômage persistant malgré la croissance, et des hausses d’impôts grignotant un pouvoir d’achat déjà éprouvé par une importante inflation.
La mobilisation sociale traditionnelle à l’approche du septième anniversaire de la chute du dictateur Zine el Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011, chassé du pouvoir par une révolution réclamant notamment travail et dignité, a été particulièrement explosive cette année.
Vendredi, environ 200 manifestants rassemblés sous la pluie dans le centre de Tunis, ont lancé un « carton jaune » au gouvernement à l’appel du mouvement « Fech Nestannew » (« Qu’est-ce qu’on attend »), initiateur en début d’année de la contestation contre la hausse des prix.
Dans la ville de Sfax (centre), près de 200 personnes ont défilé sous haute surveillance, brandissant des pancartes où l’on pouvait lire « l’argent du peuple est dans les palais, et les enfants du peuple dans les prisons », a constaté un correspondant de l’AFP.
« On estime qu’un dialogue est encore possible et des réformes sont encore possibles. Le carton jaune, c’est pour dire +attention+: Il est temps aujourd’hui de s’attaquer aux vrais problèmes : la crise économique, la cherté de la vie, etc… Ces mêmes revendications que nous traînons depuis des années », a déclaré à l’AFP Henda Chennaoui, un responsable de Fech Nestannew.
– ‘Heurts limités’ –
Pour le politologue Hamza Meddeb, la mobilisation particulièrement explosive s’explique par une « colère sociale très forte », plusieurs vagues de contestation n’ayant abouti à aucune amélioration concrète, et une « classe politique de plus en plus coupée de la population ».
Les troubles ont été beaucoup moins importants que lors des trois précédentes nuits, marquées par des heurts entre policiers et jeunes lançant pierres et coktails molotov, ainsi que des vols et des pillages.
Près de 780 personnes ont été arrêtées depuis lundi, a indiqué le ministère de l’Intérieur, Amnesty International appelant de son côté les forces de l’ordre à la retenue.
Selon le porte-parole du ministère Khlifa Chibani, aucun acte de violence, de vol ou de pillage n’a été enregistré dans la nuit, et les heurts sont restés « limités » et « sans gravité ».
Il a précisé que 151 personnes impliquées dans des actes de violence avaient été interpelées jeudi, portant le total des arrestations à 778 en cinq jours.
Dans la ville de Siliana (nord-ouest), des dizaines de jeunes ont jeté des pierres sur les forces de sécurité qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes.
La situation est en revanche restée calme à Tunis et dans le centre défavorisé du pays, ainsi qu’à Tebourba, ville à 30 km à l’ouest de la capitale secouée par des heurts ces derniers jours, ont rapporté des correspondants de l’AFP et de médias locaux. Un protestataire est mort à Tebourba lors des heurts dans la nuit de lundi.
– ‘Intimidation’ –
Amnesty a appelé les forces de sécurité à « ne pas employer une force excessive » et à « cesser leurs manœuvres d’intimidation contre les manifestants pacifiques ».
Plusieurs militants de gauche ont été arrêtés ces derniers jours et le gouvernement accuse les manifestants d’être manipulés par l’opposition.
Trois responsables locaux du Front populaire (gauche) ont été libérés vendredi à Gafsa (sud), au lendemain de leur interpellation pour incitation aux troubles, a indiqué le parti sur sa page Facebook.
Plusieurs organisations, dont le Front populaire et la puissante centrale syndicale UGTT appellent à un rassemblement dimanche pour le 7e anniversaire de la révolution.
Nombre de Tunisiens estiment avoir gagné en liberté mais perdu en niveau de vie depuis la chute de Ben Ali.
L’État, qui a répondu aux revendications sociales de l’après révolution par des embauches massives dans la fonction publique, se retrouve en difficultés financières après plusieurs années de marasme économique, notamment dû à la chute du tourisme après une série d’attentats en 2015.
Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé à la Tunisie en 2016 des crédits de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans, à condition qu’elle mène à bien un programme visant à réduire les déficits budgétaires et commerciaux.
Le budget 2018, prenant en compte ces exigences, a notamment augmenté la TVA, les impôts sur la téléphonie ou l’immobilier et certains droits d’importation, et instauré une Contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les salaires pour renflouer les caisses sociales.