Le premier procès instruit par l’instance chargée de rendre justice aux victimes de la dictature en Tunisie s’est ouvert mardi à Gabès (sud), en présence de proches et militants réclamant la fin de l’impunité, sept ans et demi après la révolution.
Quatorze responsables, dont l’ancien président Zine el Abidine Ben Ali et son ministre de l’Intérieur Abdallah Kallel, sont poursuivis pour la disparition forcée et la mort de Kamel Matmati, un islamiste membre du mouvement Ennahdha, arrêté le 7 octobre 1991 à Gabès.
« Nous voulons que ceux qui l’ont tué, torturé, soient jugés », a déclaré à l’AFP son épouse, Latifa. « Nous sommes passés par des années terribles. Le plus dur est de ne pas avoir sa dépouille (…). Mais il y a une joie aujourd’hui, parce que finalement la vérité va être dévoilée », a-t-elle ajouté.
Aucun accusé n’était toutefois présent lors de cette première audience, qui s’est tenue dans une salle comble. Déjà condamné par contumace à plusieurs années de prison pour torture, Ben Ali vit en exil en Arabie saoudite.
« C’est un jour exceptionnel », a affirmé un avocat de la partie civile, Habib Kheder. « Nous savons une partie de la vérité mais il reste des choses à dévoiler », a-t-il toutefois relevé. Des tentes ont été dressées devant le tribunal et plus de 150 personnes ont manifesté avant l’ouverture, scandant « Non à l’impunité », « Justice équitable = pays sécurisé ».
Créée en 2014 pour solder les comptes des années de dictature mais aussi de la période ayant immédiatement suivi la révolution –jusqu’en 2013–, l’Instance Vérité et Dignité (IVD) a le pouvoir de renvoyer devant des tribunaux spécialisés les responsables présumés de viols, meurtres, tortures ou faits de corruption.
L’IVD, qui a subi entraves et divisions, a reçu plus de 62.000 dossiers et renvoyé à ce jour 32 cas devant les tribunaux spécialisés mis en place dans le cadre de la justice transitionnelle. Le dossier de Kamel Matmati est le premier à être jugé.
Outre Ben Ali, au pouvoir de 1987 à janvier 2011, 13 anciens ministres et hauts responsables sont poursuivis. L’ancien dictateur et ses ministres sont jugés pour « participation à un homicide volontaire », les autres responsables sécuritaires pour « homicide volontaire sous la torture et disparition forcée ».