Les résultats provisoires du référendum turc sur la réforme de la Constitution montrent une victoire du « Oui » a indiqué, dimanche 16 avril, le Haut-Conseil électoral (YSK) du pays. Selon cet organisme, et après dépouillement de 99,45% des bulletins, le taux de participation au scrutin s’établit à 85% avec 51,37% des voix en faveur de la réforme constitutionnelle élargissant les pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan.
Au lendemain de cette victoire, les autorités pourraient déjà décider du prolongement de l’état d’urgence en vigueur depuis le coup d’État avorté de juillet 2016, rapportent certains médias.
Un exécutif plus fort
Au-delà du résultat de ce scrutin, c’est le paysage politique du pays qui va changer. Désormais, le président Erdogan, au pouvoir depuis 15 ans, peut briguer deux autres mandats présidentiels. Son leadership pourrait ainsi durer jusqu’à 2029. En outre, le poste de premier ministre sera supprimé. « Le nouveau sultan », comme le nomme la presse turque, met la main, non seulement sur le gouvernement, mais aussi sur la justice avec le droit de nommer 12 sur les 15 membres de la Cour constitutionnelle et six des treize Haut Conseil des juges et procureurs, précise Le Parisien.
La peine de mort pourrait être également rétablie. Dimanche, le président turc l’a annoncé lors d’une allocution devant une foule de partisans à Istanbul, rapporte Al Arabiya. À ce titre, Reccep Tayyip Erdogan s’est dit prêt à organiser un autre référendum pour sonder la population.
Autre point sensible : les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne pourraient prendre un sérieux coup. D’après RFI, les responsables européens ont accueilli froidement les résultats de cette élection. En France, l’ambassadeur de Turquie déplore même la mauvaise appréciation de ce changement. « Ce que le peuple a décidé hier, c’est le passage d’un système parlementaire à un système présidentiel. Nous avons d’autres exemples aux États-Unis, en France. Je pensais, pour ma part, que nos amis Français seraient ceux qui nous comprendraient le mieux », déclare, ce lundi, Ismail Hakki Musa, sur les ondes d’Europe 1.
L’opposition veut un recomptage des voix
Les autorités turques célèbrent un « tournant historique » et une élection qui s’est déroulée dans le calme. Mais dès dimanche soir, quelques milliers de manifestants sont sortis dans les rues d’Istanbul pour faire part de leur mécontentement. L’opposition dénonce quant à elle des manipulations lors du scrutin, notamment une mesure prise sur le tard par le YSK concernant la validité de bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau dans lequel le vote a été émis.
Certaines formations politiques, dont le Parti républicain du peuple (CHP, laïque) ont d’ailleurs fait part de leur intention de demander un nouveau décompte allant jusqu’à 60% des bulletins, rapporte France 24. Mais selon l’ambassadeur turc en France, la question du recomptage des voix n’est même pas envisageable. « Cela n’a pas lieu d’être. C’est un épiphénomène. Quand il y a plus de 51,3% des bulletins en faveur d’un choix, le Oui, la question ne se pose pas (…) Cet écart correspond à 1,3 million de personnes. Ce n’est pas rien », déclare-t-il.
En Europe, la diaspora turque favorable aux réformes
À l’étranger, le Oui l’a largement remporté dans des pays européens où se concentre une forte communauté turque malgré une campagne marquée par l’interdiction de meetings en soutien à la réforme constitutionnelle. Selon Le Monde, 64% des Turcs vivant en France et 63% des Turcs vivants en Allemagne ont soutenu la réforme.
L’Allemagne a d’ailleurs réagi aux résultats en appelant Erdogan à maintenir le dialogue avec les autres partis politiques. « Le gouvernement (allemand) attend que le gouvernement turc, après une campagne électorale dure, cherche maintenant un dialogue respectueux avec toutes les forces politiques et dans la société » a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, dans des propos cités par l’AFP.