La décision prise par la Turquie de transformer la célèbre ex-basilique de Sainte-Sophie en mosquée a provoqué une vague de critiques et condamnations de la part de la communauté internationale, qui ont qualifié la décision de « retour en arrière de six siècles », rapportent plusieurs médias.
La Grèce a condamné « avec la plus grande fermeté » la décision du président turc, Recep Tayyip Erdogan. La ministre de la Culture, Lina Mendoni, a notamment qualifié la décision de « provocation envers le monde civilisé », estimant que « le nationalisme dont fait preuve le président Erdogan ramène son pays six siècles en arrière ».
Le gouvernement des États-Unis a quant à lui affirmé être « déçu » de la décision, tandis que la Russie par le biais de son Eglise orthodoxe a dit regretter que « l’inquiétude » de « millions de Chrétiens » n’ait pas été entendue. De même que l’agence Sputnik, organe du gouvernement russe, a estimé que la décision constitue un « bras d’honneur d’Erdogan à l’histoire européenne ».
La transformation en mosquée de la basilique Sainte-Sophie, qui appartient au patrimoine mondial de l’humanité, a également été critiquée par l’Unesco, qui a affirmé « vivement » regretter cette décision « prise sans dialogue préalable ».
« Sainte-Sophie est un chef d’œuvre architectural et un témoignage unique de la rencontre de l’Europe et de l’Asie au cours des siècles. Son statut de musée reflète l’universalité de son héritage et en fait un puissant symbole de dialogue », a déclaré en ce sens Mme Azoulay, directrice générale de l’Unesco.
Les Émirats arabes unis ont critiqué la décision d’Erdogan. « Ayasophia est un monument historique depuis des milliers d’années. Changer son statut nuira à la valeur culturelle de ce symbole de l’humanité », a déclaré la ministre de la Culture Nora Al Kaabi sur Twitter.
Construite à Constantinople par l’empereur byzantin Justinien au sixième siècle, bien avant l’avènement de l’islam, la basilique Sainte-Sophie a joué son rôle d’église pendant près d’un millénaire. En 1453, le sultan ottoman Mehmet la convertit en mosquée comme symbole de conquête après la prise de Constantinople par les Ottomans, tout en conservant son nom « Ayasofia ».
Un peu plus de trois siècles plus tard, en 1934, le président de la République de Turquie, Mustafa Kemal Atatürk, décide de désaffecter le lieu pour « l’offrir à l’humanité » et transforme Sainte-Sophie en musée, devenant ainsi symbole de la laïcité avant qu’Erdogan ne décide de renverser cette décision près d’un siècle plus tard.
Le Conseil œcuménique des églises, qui réunit environ 350 églises chrétiennes, notamment protestantes et orthodoxes, et rassemble environ 500 millions de croyants, a pour sa part exprimé son « chagrin et consternation » à cette décision.
Le Conseil reproche ainsi à Erdogan d’avoir « inversé ce signe positif de l’ouverture de la Turquie pour en faire un signe d’exclusion et de division », avertissant qu’une telle action risque d’encourager « les ambitions d’autres groupes, ailleurs, qui cherchent à modifier le statu quo et promouvoir le renouvellement de divisions entre les communautés religieuses ».
En réaction à la pluie de critiques ayant visé sa décision, le président turc Recep Tayyip Erdogan les a rejetées en bloc, affirmant qu’une telle décision relevait des « droits souverains » de son pays.
« Ceux qui ne bronchent pas contre l’islamophobie dans leurs propres pays (…) attaquent la volonté de la Turquie d’user de ses droits souverains », a déclaré Erdogan. « Nous avons pris cette décision non pas par rapport à ce que les autres disent mais par rapport à nos droits, comme nous l’avons fait en Syrie, en Libye et ailleurs », a affirmé en outre le président turc.