Recep Tayyip Erdogan a remporté dès le premier tour la présidentielle turque du dimanche 24 juin avec 53% des suffrages, contre 31 % pour son principal rival, Muharrem Ince, le candidat du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate).
Son parti, le Parti de la justice et du développement (AKP), et son allié ultranationaliste, le MHP, conservent leur majorité au Parlement, avec quelque 53,6% des suffrages exprimés. Des scrutins législatif et présidentiel initialement prévus en novembre 2019.
Réforme constitutionnelle
Cette victoire marque pour la Turquie une nouvelle phase politique avec l’application de la nouvelle Constitution qui donne des pouvoirs renforcés au président sur le Parlement. Ce nouveau régime ne devait initialement entrer en vigueur qu’après l’achèvement du mandat d’Erdogan en 2019.
Après une première révision en 2007 (introduction de l’élection du Président au suffrage universel et réduction du mandat de 7 à 5 ans), la Turquie a approuvé – de justesse – par référendum, en avril 2017, la réforme constitutionnelle prévoyant l’abandon du système parlementaire pour un régime présidentiel.
Le nouveau système prévoit la disparition du poste de Premier ministre, le président devient ainsi le titulaire exclusif du pouvoir exécutif. Le but serait, selon les autorités turques, qu’il n’y ait pas de dédoublement de l’autorité au sein du pouvoir exécutif. Le président devient ainsi, chef de l’État et chef du gouvernement.
En outre, cette réforme assure également au président le contrôle de la Cour constitutionnelle, dont 12 des 15 membres sont nommés par le chef de l’Etat, et celui du Conseil supérieur des juges et des procureurs dont il nomme 4 des 13 membres. Le président a donc, de fait, la main sur le pouvoir judiciaire.
Disparition de la séparation des pouvoirs
Si les partisans de Recep Tayyip Erdogan estiment qu’un système présidentiel est nécessaire à la stabilité du pays, ses détracteurs considèrent qu’il s’agit d’un subterfuge pour asseoir son pouvoir autoritaire.
Les autorités turques ont affirmé que cette réforme constitutionnelle s’inspirait du modèle présidentiel américain ou semi-présidentiel français. Mais la révision de la Constitution turque confère au président sensiblement plus de pouvoirs, et laisse craindre une séparation de plus en plus floue entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, aussi bien sur leur mode de désignation que de fonctionnement.
Pour exemple, aux États-Unis, le président ne nomme pas tout seul les juges de la Cour suprême. Bref, peu de rapports avec les modèles américain et français, mais un régime « présidentialiste » où l’équilibre des pouvoirs est rompu, et l’existence de procédures de contrôles et de contrepoids disparaît.
La révision constitutionnelle prévoit par exemple que le président nomme et révoque les ministres, et peut « piocher » parmi les députés pour constituer son équipe gouvernementale. Ce qui permettra au président d’avoir un impact sur les travaux parlementaires. En outre, ces nominations ne sont pas soumises à l’approbation du Parlement.