Mehdi Benaïssa, producteur et consultant, estime qu’il est temps de mettre de l’ordre dans le secteur audiovisuel et d’organiser le fonctionnement des chaînes de télévision privées, en mettant en place un « terreau législatif fort ».
« Nous sommes dans une situation extrêmement compliquée, je dirais même qu’elle est pire que si on devait reprendre le chantier dès 2011, c’est-à-dire avant l’avènement de ces chaînes et de leurs mauvaises pratiques, des habitudes qu’elles ont générées et des flux monétiques qu’elles ont constitués. C’est très difficile de revenir à zéro et éteindre toutes les chaînes, ce serait même dramatique. En revanche, il faut opérer un virage qui permette de consolider la profession, de l’organiser et de la développer », a déclaré l’ancien directeur de KBC lors de son passage ce jeudi 5 mars dans l’émission « l’invité de la rédaction » de la Chaîne 3 de la radio.
« Au niveau de la loi, c’est simple, on est déjà au point zéro puisqu’il n’y en a pas. Il n’y a que la loi du plus fort qui a prévalu depuis 2015. Il faut constituer un terreau législatif puissant et fort. La loi doit refléter la vision que la société attend de ces télévisions », dit-il.
Pour lui, on ne peut pas parler d’autorité de régulation avant la mise en place de toute la législation nécessaire, estimant qu’il « ne peut pas y avoir de gendarme sans code de la route ». « Après les lois, sur lesquelles tout le monde serait d’accord, les autorités, la société civile et la profession, ainsi viendra l’ARAV qui fera son travail de gendarme. Pendant trois ou quatre ans, chaque année, il y aura des ajustements », préconise Benaïssa.
Évoquant la situation et les pratiques actuelles des chaînes de télévision, le consultant parle d’ « aberrations ». « Pour l’instant, constate-t-il, les chaînes perçoivent de la publicité de manière illégale. C’est comme si des millions d’Algériens importaient des voitures sans payer de douane ni de TVA et ne font même pas de carte grise. C’est comme si trois millions de voitures roulaient avec des plaques belges ou françaises. C’est une aberration. Il faut remettre les choses dans l’ordre, nous devons recouvrer notre souveraineté satellitaire. »
« Nous étions dans le grand n’importe quoi, nous sommes dans une phase de transition, on va aller très vite vers un cahier des charges nouveau, de nouvelles règles. Il y a des pertes énormes, une des plus grandes victimes, c’est le service public », regrette-t-il.
L’autre anomalie qu’il dénonce, c’est celles des chaînes d’information qui se transforment en généralistes à l’approche du mois de ramadhan : « Nous avons des chaînes qui sont des chaînes d’information toute l’année parce que ça ne coûte pas cher, et au mois de Ramadhan, elles se transforment en généralistes et créent une inflation qui met à mal les chaînes qui étaient généralistes toute l’année. Il est aussi inconcevable de diffuser 28 minutes de publicité sur une heure de programmes, comme on l’a vu l’an dernier ».
Pour rappel, Mehdi Benaïssa, alors directeur de la chaîne KBC, aujourd’hui disparue, avait été arrêté et incarcéré en 2016 pour une histoire d’autorisation qu’il n’aurait pas obtenue pour le tournage de la célèbre émission « Nass Stah », très critique vis-à-vis du président Bouteflika et de son entourage.