Politique

UMA : 30 ans de non-Maghreb, bloqué par les tensions entre l’Algérie et le Maroc

Trente ans de non-Maghreb ! C’est l’expression de dépit de tous les ”maghrébins convaincus”, qui constatent que les dirigeants de la région n’arrivent pas, 30 années après la création de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), à s’entendre et dépasser leurs divergences.

À Alger, le président Abdelaziz Bouteflika a transmis hier samedi à ses homologues Mauritaniens, Tunisiens, Marocains et Libyens, ”un message de félicitations, à l’occasion du 30e anniversaire de la création de l’Union du Maghreb Arabe (UMA)”. Dans ces messages, le chef de l’État algérien rappelle à ses homologues que cette célébration était “une halte pour évaluer le parcours de l’UMA et développer son action en fonction des exigences et de la conjoncture actuelle”.

Il a, dans la foulée, ”réitéré l’attachement constant de l’Algérie à l’édification de l’Union du Maghreb arabe (…)”. Une formule de politesse qui n’aura pas de suite. Dans les faits, l’UMA est devenue ”une coquille vide”, et n’existe plus que ”sur le papier”. Elle risque de le rester encore pendant de longues années.

C’est le 17 février 1989 qu’a été signé à Marrakech par les chefs d’État de l’Algérie, du Maroc, de Mauritanie, de Tunisie et de Libye le traité constitutif de l’Union du Maghreb arabe. Ce traité avait été préparé auparavant le 10 juin 1988 par le sommet de Zéralda, dans la banlieue ouest d’Alger. Mais, très vite, les divergences diplomatiques entre Alger et Rabat sur le dossier sahraoui vont prendre le dessus. Les institutions de l’UMA sont certes mises en place, les traités signés à des degrés divers par les cinq pays. Mais, seul le secrétariat général de l’UMA, implanté au quartier cossu d’Agdal à Rabat, fonctionne au ralenti.

Une brouille qui n’en finit plus

La cause en est cette brouille quasi permanente en Alger et Rabat autour du dossier du Sahara Occidental. Pour le Maroc, Alger est le principal frein à l’édification du Maghreb en soutenant les Sahraouis, alors que pour l’Algérie, le dossier sahraoui, dont la résolution est entre les mains de l’ONU, ne peut être un obstacle aux relations bilatérales et maghrébines.

Ce différend diplomatique est à l’origine de toutes les brouilles et toutes les colères entre les deux pays depuis 1975, date de l’occupation du Sahara Occidental, après le retrait de l’Espagne, par le Maroc à travers “la marche verte” à laquelle avait appelé Hassan II. Le dossier est depuis 1991, date du cessez-le-feu et la mise en place de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (MINURSO), géré par l’ONU.

Les relations au sein de l’UMA restent terriblement imprégnées du climat de défiance existant entre l’Algérie et le Maroc, et toutes les tentatives de réactivation des institutions de l’union se sont avérées jusqu’à aujourd’hui sans résultats.

Pourtant, l’UMA dispose d’importantes institutions comme une banque maghrébine implantée à Tunis, une union douanière, des traités de non double imposition, des traités dans le secteur du Commerce, du Transport, de la Culture… Mais, depuis le milieu des années 2000, tous ces mécanismes sont au point mort. Une situation qui va durer tant que les tensions entre Alger et Rabat persisteront.

Ce que coûte le non-Maghreb

Fatalement, cette situation de blocage d’un ensemble politique et économique régional au départ enthousiaste et prometteur pour les pays membres, a débouché vers ce que des économistes ont appelé ”le non-Maghreb”.

À Rabat, comme à Alger des économistes estiment que la suspension des relations politiques et économiques au niveau régional coûte aux pays de la région au moins 3 % de croissance par an. Il y a également l’échec de la mise en place d’une zone maghrébine de libre échange, impossible à concrétiser sans décision politique.

Patate chaude

Plus grave, le Maghreb est la seule région au monde dont les pays commercent le moins entre eux. Depuis la création en 1989 à Marrakech de l’UMA, 37 accords et conventions ont été signés, sans cependant ouvrir la voie à l’intégration économique projetée dans le cadre d’une zone de libre échange pour un marché commun potentiel de plus de 100 millions de consommateurs.

« Les pays du Maghreb commercent beaucoup moins entre eux qu’avec le reste du monde. Leurs échanges entre eux représentent moins de 5 % de l’ensemble de leurs échanges commerciaux, alors que la part du commerce intrarégional atteint 16 % environ en Afrique, 19 % en Amérique latine, 51 % en Asie, 54 % en Amérique du Nord et 70 % en Europe », note le FMI.

Et pourtant, le Maghreb, avec son formidable potentiel agricole, renferme près de 3% des réserves mondiales en pétrole, 4% des réserves en gaz naturel et 50% des réserves prouvées en phosphate.

Faut-il croire dès lors à la dernière initiative du président Bouteflika, qui avait au mois de novembre dernier appelé le secrétaire général de l’UMA pour ”l’organisation d’une réunion du conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union dans les meilleurs délais ? ”.

Pour les observateurs, l’initiative de l’Algérie est une réponse directe et officielle indirecte à l’appel du roi du Maroc, début novembre dernier, pour une relance des relations bilatérales algéro-marocaines. Le souverain marocain avait, dans son discours commémorant le 43e anniversaire de la ”marche verte” et l’occupation du Sahara Occidental, affirmé ‘’la disposition du Maroc au dialogue direct et franc (avec l’Algérie sœur), afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement de nos relations.”

Depuis, aucun écho, ni à l’une, ni à l’autre initiative, et rien n’a bougé au sein du secrétariat général de l’UMA, dirigé par le tunisien Taïeb Baccouche, qui a annoncé en décembre dernier la tenue d’un sommet des chefs de la diplomatie des pays de l’UMA en février à l’occasion du 30e anniversaire de l’Union. Pour le moment, il n’y a aucune annonce officielle de ce sommet. Encore une ‘’patate chaude’’ pour les pays de la région.

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