Les marches hebdomadaires se suivent sans discontinuer depuis le 22 février, mais décidément, aucune journée de mobilisation ne ressemble à une autre, l’ambiance générale, l’affluence et les slogans scandés étant déterminés par les aléas de la nature, l’attitude des forces de l’ordre et surtout les développements politiques de la semaine.
Ce trente-et-unième vendredi, le troisième après la rentrée, survient au lendemain d’un énième tour de vis annoncé par Ahmed Gaïd Salah à partir de Tamanrasset et cinq jours après la convocation du corps électoral par Abdelkader Bensalah. En visite dans la sixième région militaire, le général de corps d’armée a annoncé des « instructions » données à la gendarmerie pour resserrer l’étau autour de la capitale des jours de marche.
« Nous avons constaté sur le terrain que certaines parties, parmi les relais de la bande, aux intentions malveillantes, font de la liberté de déplacement un prétexte, pour justifier leur dangereux comportement, qui consiste à créer tous les facteurs qui perturbent la quiétude des citoyens, en drainant chaque semaine des citoyens issus de différentes wilayas du pays vers la capitale, afin d’amplifier les flux humains, dans les places publiques… », a indiqué le chef d’état-major avant d’annoncer sa mesure-phare.
« J’ai donné des instructions à la Gendarmerie nationale pour faire face avec fermeté à ces agissements, à travers l’application rigoureuse des réglementations en vigueur, y compris l’interpellation des véhicules et des autocars utilisés à ces fins, en les saisissant et en imposant des amendes à leurs propriétaires », a-t-il indiqué.
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La restriction de l’accès à la capitale n’est pas tout à fait une nouveauté puisque cela fait plusieurs semaines que les barrages filtrants de la gendarmerie refoulent systématiquement tous ceux qui sont soupçonnés de se déplacer à Alger pour marcher. Mais le fait est que c’est la première fois que le chef d’état-major l’assume publiquement et ordonne de prendre des mesures extrêmes allant jusqu’à la saisie des véhicules transportant les manifestants.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont dénoncé la mesure qui, soulignent-ils, ne repose sur aucun fondement légal, et beaucoup lui prédisent de faire l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, rappelant que depuis plusieurs semaines, le gros des manifestants à Alger est constitué des seuls Algérois du fait des restrictions déjà en vigueur.
Beaucoup promettent aussi un autre tsunami d’autant que ce trente-et-unième vendredi sera le premier après la convocation du corps électoral, synonyme de résolution du pouvoir à faire aboutir sa feuille de route quoi qu’il arrive.
Mardi dernier, les étudiants, rejoints par les citoyens, étaient déjà très nombreux à marcher dans les rues d’Alger pour exprimer leur rejet de la présidentielle du 12 décembre. Certains observateurs ont même évoqué la plus forte mobilisation estudiantine depuis le début du mouvement malgré la vague d’arrestations qui touche les militants politiques, les activistes du hirak et les étudiants.
A propos d’arrestations, les manifestants qui ont marché vendredi dernier sans Karim Tabbou, arrêté et incarcéré la veille, devront cette fois manifester sans deux autres figures emblématiques du mouvement, Samir Belarbi et Fodil Boumala, emprisonnés pendant la semaine. Les plus déterminés soulignent que la mise à l’ombre du porte-parole de l’UDS n’avait pas dissuadé les Algériens de sortir en masse lors du trentième vendredi et s’attendent du coup à une mobilisation encore plus forte ce 20 septembre.
Le hirak populaire a dû faire face à de nombreuses épreuves depuis son déclenchement, et après sept mois, il se porte toujours bien en maintenant la mobilisation à des niveaux élevés ainsi que son caractère pacifique.
Sa réaction devant cette conjonction inédite de pressions au moment où le pouvoir a officiellement lancé la mise en œuvre de sa feuille de route, déterminera sans doute la suite des événements.
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