La filmothèque Mohamed Zinet du complexe Riad El Feth à Alger est fermée pour un mois sur décision du ministère de la Culture.
« Lundi dernier, un agent de sécurité est venu me dire que le directeur général de l’Office Riad El Feth a donné instruction pour qu’il n’ait plus de projections en salle. J’ai vu le directeur et il m’a informé que le ministère de la Culture allait prendre des mesures parce qu’il a reçu des plaintes après la projection d’un film. On lui a parlé d’une scène ou deux du film « Borat », projeté à la faveur d’un cycle sur la comédie au cinéclub. Nous avons reçu aujourd’hui ( mercredi 30 mai) un courrier du ministère annonçant la fermeture temporaire de la salle », raconte, Lyazid Khodja, directeur de la filmothèque Mohamed Zinet.
Le quotidien El Bilad a publié mardi 29 mai un article évoquant la projection d’un film avec « l’actrice indécente » Pamela Anderson, vendredi 18 mai. Une projection qui aurait, selon le quotidien, suscité la réprobation du public en raison de « scènes et de mots de type pornographique » qu’il contient.
Sorti en 2006, le long métrage parodique « Borat : Leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan » de l’Américain Lary Charles a été critiqué au Kazakhstan, le pays étant présenté comme « une contrée barbare » ayant pour ennemi l’Ouzbékistan. Mais, le film, produit par son acteur principal Sacha Baron Cohen, a été globalement bien accueilli par la critique aux États-Unis.
« Le gérant de la salle projette des films piratés »
Contacté, le ministre de la Culture a confirmé la fermeture temporaire de la salle Zinet. « Mais, ce n’est que la goutte qui a fait déborder le vase. La fermeture de la salle n’a pas été décidée pour raison idéologique ou religieuse. Le gérant de la salle projette des films piratés ce qui est contraire au cahier de charges qu’il s’est engagé à respecter lors de l’exploitation de la salle. La projection ne doit se faire qu’après acquisition des droits sur les films et les visas d’exploitation », explique à TSA Azzeddine Mihoubi, ministre de la Culture.
Des internautes ont évoqué sur les réseaux sociaux l’existence de « pressions islamistes » pour fermer la salle Zinet pendant ce mois de Ramadhan. M. Mihoubi a rappelé qu’une commission chargée de veiller au respect de la réglementation en matière de cinéma, relevant du Centre national de la cinématographie et de l’audiovisuel (CNCA), s’est déplacée en novembre 2017 à la salle Mohamed Zinet pour dresser un PV de clôture pour non-respect du cahier de charges relatif à l’exploitation des salles de cinéma (signé en novembre 2013 et publié au journal officiel du 22 juin 2014).
« Ils nous ont reprochés de ne pas être équipé en DCP. Un appareil DCP coûte entre 40.000 et 50.000 euros. Si je l’achète à cette somme, je mets les clefs sous le paillasson. À l’époque de Khalida Toumi (ancienne ministre de la Culture), il était question que l’OREF (Office Riad El Feth) équipe les salles en DCP. En tant que gérant privé, j’ai demandé à ce qu’on m’ajoute sur la liste pour m’équiper en DCP et je m’engageais à payer régulièrement tous les mois à partir des recettes de la salle », souligne Lyazid Khodja.
Le DCP (Digital Cinema Package), un système numérique de projection cinématographique utilisant le support informatique, est adapté, à travers le monde, comme une norme consensuelle ayant remplacé le 35 mm (bobines argentiques).
« Faute de DCP, nous projetons sur support Blue Ray et DVD »
« En mars 2017, il a été interpellé pour la projection, sans avoir l’autorisation et sur support DVD, de « Justice League » (le film de Zack Synder). La commission du CNCA lui a envoyé un avertissement pour ne plus projeter de films n’ayant pas de visas d’exploitation », affirme le ministre de la Culture.
« Mon collègue s’est cru autorisé à projeter le film « Justice League » alors que la société algérienne MD Ciné (société de distribution) avait les droits de projection en Algérie. C’était une erreur. On s’est excusé. Mais, si vous faites le tour des salles en Algérie, vous verrez qu’on projette des films sans acquérir les droits. Faute de DCP, nous projetons sur supports Blue Ray et DVD. Nous n’avons pas le choix », indique le gérant de la salle Zinet, en regrettant la disparition de la plupart des distributeurs algériens de films faute de salles équipées en matériel conforme aux normes.
« Nous sommes prêts à résilier le contrat avec l’exploitant de la salle Zinet »
« Dernièrement, des inspecteurs du CNCA ont constaté que le film « Borat », qui est destiné aux adultes, était projeté en présence d’enfants. Cela veut dire quoi ? Il n’y a pas de respect ni de la loi ni du public. L’affaire n’a aucun caractère religieux. Elle est purement liée au respect de la réglementation. La fermeture de la salle pour un mois est prévue par la loi lorsque l’exploitant de la salle ne respecte pas son engagement d’appliquer le cahier de charges. Si nous constatons que ce non-respect se poursuit après la réouverture de la salle, nous sommes prêts à résilier le contrat avec l’exploitant de la salle Zinet. Un établissement relevant du ministère de la Culture ne peut pas projeter des films piratés sur support CD ou DVD acheté à 50 ou à 200 dinars. Nous ne pouvons pas ouvrir la porte à l’anarchie», prévient Azzeddine Mihoubi.
Le ministre dit avoir reçu plusieurs correspondances du CNCA et de l’OREF l’avertissant sur la situation de la salle Zinet. Des correspondances qui ont motivé sa décision de fermer la salle d’une manière temporaire.