Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez semble résolument décidé à défendre et à assumer sa nouvelle position sur la question du Sahara occidental, quitte à aggraver la crise avec l’Algérie.
Malgré les mesures prises par Alger en signe de représailles contre la décision de Madrid de soutenir le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, l’Espagne s’apprête à franchir un pas qui constituerait la concrétisation de son revirement, en participant à un évènement organisé dans les territoires sahraouis occupés.
Depuis que le gouvernement socialiste a annoncé le 18 mars dernier son soutien au plan d’autonomie marocain, qu’il a qualifié de base la plus « sérieux, réaliste et crédible » pour la résolution du conflit vieux de près de 50 ans, les relations algéro-espagnoles se sont gravement détériorées.
L’Algérie a rappelé son ambassadeur à Madrid le jour-même puis a annoncé, le 8 juin, la suspension du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération signé avec l’Espagne en 2002.
Des sources médiatiques ont aussi fait état d’une note de l’Association des banques et établissements financiers (ABEF) suspendant les domiciliations pour les opérations de et vers l’Espagne, ce qui constitue de fait l’arrêt du commerce extérieur entre les deux pays.
Auparavant, l’Algérie avait pris d’autres mesures d’ordre économique comme le choix de l’Italie pour l’augmentation de ses livraisons de gaz ou encore la fermeture de son marché au bœuf espagnol.
Le gouvernement espagnol a saisi l’Union européenne en invoquant les clauses de l’accord d’association signé avec l’Algérie, mais cette dernière est restée intransigeante.
Pied-de-nez ?
Les mesures algériennes ont été jugées très douloureuses pour l’économie espagnole (qui exportait pour près de 3 milliards de dollars par an vers l’Algérie avant la pandémie de Covid) et le gouvernement de Pedro Sanchez s’est retrouvé sous les feux des critiques de l’opposition qui n’avait déjà pas apprécié son revirement.
Il lui a été reproché en interne d’avoir pris le risque de fâcher un partenaire économique important, qui plus est le premier fournisseur de gaz de l’Espagne avec 45% de ses besoins.
Mais il semble que Pedro Sanchez ne compte pas faire machine arrière. Alors que la crise qu’il a provoquée avec Alger est à son paroxysme, la presse marocaine rapporte que « le premier forum d’investissement Maroc-Espagne » se tiendra les 21 et 22 juin à Dakhla, au Sahara occidental occupé. Le forum est destiné, précise-t-on, à « promouvoir les investissements dans cette région ».
Organisée par ce que la presse marocaine présente comme « le conseil régional de Dakhla-Oued Eddahab » et le ministère du Commerce et de l’Industrie, la rencontre, ajoutent les mêmes sources, verra la participation de nombreux hommes d’affaires espagnols, « venant notamment de Catalogne et d’Andalousie ».
Comme pour souligner l’implication du gouvernement espagnol, le 360.ma écrit par exemple que « cette importante manifestation économique sera la première rencontre du genre » depuis que Madrid a décidé d’appuyer le plan d’autonomie marocain.
Il est vrai que le gouvernement espagnol n’a pas communiqué officiellement sur l’événement, mais le laisser se tenir en ce moment précis est une manière de traduire par un geste fort sa nouvelle position sur le Sahara occidental. Un geste qui risque d’être interprété à Alger comme un pied-de-nez à ses mesures et protestations.
En tous cas, Amar Belani, envoyé spécial chargé du dossier du Sahara occidental et des pays du Maghreb au ministère des Affaires étrangères a jugé jeudi dans un entretien à El Confidencial que le gouvernement espagnol a ruiné toute chance de normalisation avec Alger, après ses déclarations notamment sur l’implication de Moscou dans la crise avec l’Espagne.