Économie

Un haut responsable français déplore la réglementation économique “mouvante” de l’Algérie

Les Algériens ne vendent pas assez bien leur pays aux investisseurs et aux touristes étrangers. Le constat est de Jean Louis Levet, haut responsable français en charge de la coopération technologique et industrielle entre la France et l’Algérie.

M. Levet a comparé cette absence de promotion de l’Algérie à l’étranger aux stratégies agressives de la Tunisie et du Maroc qui sont omniprésents dans les médias et espaces publics français.

La quasi-absence d’opérations de promotion de l’Algérie à l’extérieur comme destination pour les touristes ou les investissements n’est pas la seule cause de ce mal d’attractivité dont souffre le pays, a tempéré en substance M. Levet, qui s’exprimait vendredi à Paris lors d’une rencontre, avec des journalistes de médias algériens dont TSA.

Il pointe la “réglementation mouvante” du commerce et de l’industrie en Algérie, qui est selon lui, un problème pire que la bureaucratie pour laquelle est connue l’administration algérienne.

Ce manque de stabilité dans la législation empêche les potentiels investisseurs d’avoir assez de visibilité pour établir des plans d’investissements et les oblige à “être en veille permanente”.

Projet de quatre écoles en souffrance

La décennie noire a également eu un impact négatif sur l’économie et l’attractivité algériennes. ” Sur le niveau micro économique, les entreprises algériennes ont eu 15 ans de guerre contre les islamistes pendant lesquelles l’économie s’est arrêtée, ce qui n’a pas été le cas dans les autres pays”, a rappelé M. Levet.

Ces pays, voisins plus ou moins proches et qui n’ont pas eu le même parcours que l’Algérie ont fait mieux en matière d’investissements directs étrangers. Ainsi, la Tunisie, pays de 12 millions d’habitants a un stock d’IDE (Investissement direct étranger) de 35 milliards de dollars, le Maroc 50 milliards, l’Égypte 100 milliards et la Turquie 200 milliards de dollars alors que l’Algérie a un stock d’IDE de seulement 26 milliards de dollars, selon M. Levet.

L’instabilité des cadres dans les ministères, le manque interministérialité et de réactivité et de suivi de la part des responsables algériens sont d’autres facteurs qui compliquent la coopération économique et technologique entre les deux pays, a résumé substance M. Levet.

Pour argumenter, il a cité pour exemple un projet de création de quatre écoles spécialisées chacune dans un domaine précis de l’industrie. Le projet, déjà en discussion du temps où Cherif Rahmani était ministre de l’Industrie a été effectivement promu en France où de prestigieuses écoles ont été impliquées à un niveau très avancé alors que du côté algérien, le projet semble avoir été oublié.

L’amélioration de l’attractivité économique de l’Algérie passe également par un partenariat où les entreprises sont mobiles dans les deux sens, selon Levet pour qui les entreprises algériennes gagneraient à investir en France et à entrer dans les capitaux des petites et moyennes entreprises.

Ces prises de part dans des entreprises françaises par des entreprises algériennes permettra aux partenaires de s’inscrire dans une logique de colocalisation qui est prometteuse, selon le haut responsable français qui a cité le rachat de Brandt par le groupe Cevital comme un modèle de réussite de colocalisation de la production d’une entreprise entre l’Algérie et la France.

Réussites

Les relations économiques et la coopération technologique entre l’Algérie et la France sont “en métamorphose” et doivent passer d’une “relation basée sur l’import-export à une relation de réel partenariat”, a soutenu Jean-Louis Levet.

Parmi les réussites du partenariat économique et technologique algéro-français, le haut responsable français a donné comme exemple Sanofi qui a deux projets en cours en Algérie. Le premier consiste à “faire cinq vaccins en un seul et aux normes françaises en partenariat avec le groupe Sadïal grâce à la création d’une joint-venture”, a précisé M. Levet.

Le deuxième projet consiste en l’extension du site industriel de Sanofi à Sidi Abdallah pour “fabriquer des auto-injecteurs d’insuline”, a détaillé Jean Louis Levet pour qui ce “projet de haute technologie” fera de l’Algérie le troisième pays où ce type de dispositifs est fabriqué après la France et la Russie. Le projet déposé à l’ANDI en juin de cette année entrera en production à l’horizon 2025 et sera accompagné par un transfert de technologie et la création d’une école d’excellence par Sanofi, selon lui.

Au-delà de l’import-export

Le partenariat économique algéro-français a donné des résultats sur certains projets industriels mais il reste encore beaucoup à faire, selon M. Levet qui a nuancé l’importance du recul des parts de marché algérien détenues par la France au profit de pays comme la Chine, la Turquie, l’Allemagne ou l’Espagne.

“Ce n’est pas un phénomène qui me traumatise”, a-t-il expliqué à ce sujet. Selon lui, la coopération économique entre l’Algérie et la France ” ne doit pas se jouer fondamentalement sur la logique de l’importation et de l’exportation”, cet aspect n’étant qu’une “facette du caléidoscope des relations entre nos deux pays”.

” Dans la mondialisation d’aujourd’hui, sur l’ensemble des échanges, 70% se font entre les filiales des entreprises. En matière d’import-export, les États sont devenus marginaux, a expliqué M. Levet pour qui ce phénomène est une “rupture majeure”.

L’import-export, “écume des jours”, dans les relations économiques algéro-françaises, ne représente pas le niveau auquel doivent se situer les relations économiques entre l’Algérie et la France. “Nos relations se situent en dessous de l’import export, à un niveau qui n’est encore pas assez puissant pour donner des résultats”.

La formation et l’excellence moteurs du réel partenariat économique

Le haut responsable français a insisté sur l’importance de former les compétences localement pour pouvoir passer à une relation de partenariat réel entre l’Algérie et la France.

“Ce qui produit de la richesse, c’est lorsqu’on forme localement”, a-t-il expliqué, ajoutant que la formation et l’excellence permettent d’améliorer la qualité et la productivité des entreprises locales qui verront ainsi leur crédibilité améliorée et voir s’ouvrir à eux des horizons d’exportation et de partenariat avec des groupes majeurs, dans l’automobile par exemple.

Citant des exemples de réussites dans la formation locale de compétences algériennes, Levet a mis en avant l’académie de Renault Algérie près d’Alger, les centres d’excellence de Schneider à Tizi-Ouzou, Sidi Bel Abbes et Sidi Aich.

Il a également envisagé la possibilité de la création d’une école d’excellence en automobile par PSA dont le projet industriel est en cours de réalisation. Pour lui, “ces centres d’excellence vont améliorer la productivité” et feront en sorte que les travailleurs “avec plus de compétences, entreront dans un cycle de mobilité et non de délocalisation”, ce qui permettra à l’Algérie de voir ses compétences ainsi formées et expatriées revenir plus tard au pays.

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