“Il ne suffit pas de traverser la rue” pour trouver un emploi dans la restauration, comme l’a assuré Emmanuel Macron, même si le secteur manque de bras, ont réagi lundi des restaurateurs parisiens après une nouvelle petite phrase polémique du président français.
Gilet noir, foulard et tablier rouge, José Vicente, 30 ans de métier, s’affaire entre les tables du Kibaloma, un café-restaurant du quartier parisien de Montparnasse.
“Dans l’absolu, on a tous besoin (d’embaucher). Mais il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver”, explique-t-il, nuançant la situation décrite par Emmanuel Macron samedi.
Confronté à une rentrée politique difficile, à une croissance plus faible que prévue et accusé à plusieurs reprises de propos hautains sur la question sociale, le président français a déclenché une nouvelle polémique en suggérant à un jeune chômeur de pousser la porte des restaurants pour se faire embaucher.
“Il n’y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu’ils cherchent des gens. Pas un! Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve !”, a-t-il affirmé, conseillant à un jeune horticulteur de démarcher dans le quartier de Montparnasse et ses nombreux cafés et restaurants.
Le président, dont le bilan depuis son arrivée au pouvoir en mai 2017 est jugé “positif” par seulement 19% des Français selon un sondage publié lundi, a par le passé évoqué le “pognon de dingue” des aides sociales ou les “Gaulois réfractaires” au changement. Ses nouveaux propos relèvent du “mépris”, a immédiatement dénoncé l’opposition, de gauche comme de droite.
Dans les faits, peu de personnes se présentent pour trouver un emploi de serveur ou de cuisinier, note José Vicente. Sauf pour le métier ingrat de plongeur, parfois “5 ou 6 par semaine”, des gens “sans qualifications qui ne parlent pas français correctement”.
En cause, la charge de travail et les horaires tardifs.
– “Il faut avoir envie de travailler” –
“Les gens ne viennent pas dans la restauration parce que ce n’est pas facile, il y a une vraie pression”, estime Nourredine, chef de salle au Kibaloma, qui n’a pas voulu donner son nom. Résultat, le “turn-over est énorme”.
“Entre 50.000 et 100.000 postes ne sont pas pourvus” dans le secteur qui représente près d’un million d’emplois”, selon Roland Héguy, président de la principale organisation du secteur hôtellerie-restauration, l’Umih.
“Les mots du président de la République reprennent cette réalité de terrain et de nos entreprises: (…) notre secteur fait face à une pénurie historique de main-d’oeuvre”, affirme-t-il. Et ce, malgré un taux de chômage de 9,1%, soit 2,7 millions de chômeurs au deuxième trimestre en France, selon l’Institut national de la statistique.
A la brasserie La Rotonde, fréquentée par Emmanuel Macron qui est venu y fêter son accession au second tour de la présidentielle fin avril 2017, les propos du chef de l’Etat, reflètent “la réalité, on manque de personnel”, juge un maître d’hôtel qui souhaite rester anonyme.
“On a déjà formé des gens, on cherche des gens sérieux. Mais il faut avoir envie de travailler”, note-t-il en plein coup de feu de midi. Beaucoup flanchent après quelques jours, bien qu'”ici, les serveurs gagnent très, très bien leur vie”.
Selon Didier del Rey, de l’Union syndicale CGT, pour que le recrutement soit facilité et que les salariés restent plus longtemps, “il faudrait (…) que les horaires soient respectés, que les heures supplémentaires soient payées”.
Derrière son comptoir en zinc, Ludovic Simon, gérant de la brasserie L’Atelier, remplace un employé absent. Si “3, 4 personnes” se présentent chaque semaine, il préfère recruter des gens “diplômés, qui sortent d’école de maître d’hôtellerie”.
“Les personnes qui arrivent (spontanément) ne sont pas forcément très motivées” malgré les “minimum 2.200 euros nets” de salaire mensuel, détaille-t-il, disant avoir recruté une serveuse au début du mois. “Elle est restée deux jours”.