Tribune. Dans son édition du 13 avril 2019 le journal TSA rapporte : « Le ministère des Finances a annoncé ce samedi la mise en place d’un comité de veille et de suivi, chargé de suivre l’évolution des transferts en devises vers l’étranger.
Officiellement, ce comité a été créé dans le but de renforcer la vigilance en matière de transactions financières avec le reste du monde, selon le département de Mohamed Loukal, qui occupait le poste de gouverneur de la Banque d’Algérie, avant de rejoindre le gouvernement Bedoui, le 31 mars.
Ce comité est composé de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, de représentants de la Banque d’Algérie (BA) et de représentants de la Communauté bancaire (ABEF), précise la même source ».
Il est utile de s’interroger sur la nature juridique de ce comité, les conditions de sa création et les prérogatives qu’il s’octroie au regard des dispositions de la réglementation du contrôle des changes.
Depuis 1990 et à la faveur de la loi relative à la monnaie et au crédit, la réglementation du contrôle des changes figure parmi les prérogatives qui ressortissent à la Banque d’Algérie.
En particulier, les alinéas m) du paragraphe 1 et c) du paraphe 2 de l’article 62 de l’ordonnance 2003/11 modifiée, abrogeant la loi 90-10, précisent que le Conseil de la monnaie et du crédit est investi en tant qu’autorité monétaire des pouvoirs suivants :
· m) la réglementation des changes et l’organisation du marché des changes
· c) la délégation de pouvoir en matière d’application de la réglementation des changes
L’organisation du contrôle des changes s’exerce donc par le biais du contrôle a priori et a posteriori au moyen de délégation de change accordée par la Banque d’Algérie aux intermédiaires agrées, les banques de la place.
Ainsi toute opération de transfert est soumise au contrôle a priori de l’agence domiciliataire, puis au contrôle a posteriori des services centraux des banques intermédiaires agréées en collaboration avec les contrôleurs de la Banques d’Algérie.
Par surcroît, ces contrôles sont renforcés par les inspections opportunes des personnes habilitées du contrôle des changes, en l’occurrence les officiers de la police judiciaire, les agents des douanes, les fonctionnaires de l’inspection générale des finances, les agents assermentés de la Banque d’Algérie et les agents chargés des enquêtes économiques et de la répression des fraudes. Leurs missions consistant précisément à s’assurer de l’efficacité des contrôles mis en place, du strict respect de la réglementation des changes et de la conformité des opérations ordonnées au regard des dispositions de cette réglementation.
Il découle de ce qui précède que la création « d’un comité de veille et de suivi » ne peut intervenir que par la modification de l’ordonnance 2003/11 modifiée. Or, cette prérogative ne s’inscrit pas dans les missions dévolues au chef de l’État, et ce, conformément aux dispositions de l’articles 104 renvoyant à l’inapplication des dispositions des articles 91 et 142 de la Constitution, ni même à l’actuel gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes.
Par ailleurs, la composante de ce comité, où se côtoient de hauts fonctionnaires du ministère des Finances et des cadres de l’ABEF, contrevient aux dispositions de l’article 62 c) de l’ordonnance 2003/11, puisque la dévolution de telles missions échoit à des fonctionnaires de l’inspection générale des Finances. Les récipiendaires devant être nommés par arrêté conjoint du ministre de la Justice Garde des Sceaux et du ministre des Finances, sur proposition de l’autorité de tutelle, parmi les fonctionnaires justifiant, au moins, de trois années d’exercice effectif dans le grade d’inspecteur.
Enfin, les missions dévolues à l’ABEF depuis sa restructuration en octobre 1994 ne lui accordent aucune compétence pour veiller et suivre l’évolution des transferts en devises vers l’étranger.
Outre les zones d’ombre sur le fondement légal de la création de ce comité et les prérogatives de sa composante, il est urgent de s’interroger sur l’aptitude de ce comité à se substituer aux contrôles a priori et a posteriori exercés par l’ensemble du réseau bancaire et les contrôleurs de la Banque d’Algérie, sur les centaines, voire les milliers d’opérations, ordonnées chaque jour par les opérateurs.
Nadira Azouaou Avocate et Auteure*
(*) Le droit bancaire algérien – Législation – Procédures- Analyse – Jurisprudence : Nadira Azouaou et Moussa Lahlou – Editions 2018
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