Les députés de l’APN ont adopté, jeudi 14 novembre, le projet de loi de finances 2020 qui prévoit un retour à l’importation des véhicules de moins de trois ans. Le projet doit être validé par le Sénat.
Pour les spécialistes, ce n’est pas forcément une bonne idée. Pour Abderrahmane Achaibou, concessionnaire automobile et membre fondateur de l’Association des concessionnaires automobiles algériens, le retour à l’importation des véhicules d’occasion « devrait être bien réfléchi et encadré afin d’éviter les inconvénients et problèmes enregistrés par le passé ».
Pour lui, il est « opportun que la limite d’âge des véhicules d’occasion autorisés à l’importation ne soit pas fixée préalablement à trois ans, mais de laisser à l’expertise de déterminer la limite d’âge idoine ».
Et si le gouvernement compte rendre service aux Algériens en leur permettant d’importer des véhicules d’occasion pour des prix raisonnables, il se trompe, selon M. Achaibou.
À l’importation, une voiture de moins de trois ans « ne revient pas forcément moins cher qu’un véhicule neuf », prévient-il. D’abord, parce que le véhicule d’occasion « ne bénéficiera vraisemblablement d’aucune garantie, et ne sera plus géré par le concessionnaire d’origine, ce qui poserait problème en cas de campagne de rappel du constructeur, qui touche parfois la sécurité de l’utilisateur ».
« Il serait utile, selon Achaibou, que l’activité d’importation et distribution des véhicules d’occasion soit confiée à des concessionnaires spécialisés en vertu d’un cahier des charges bien défini ».
Le patron d’Elsecom plaide pour le retour à l’importation et la distribution de véhicules neufs, une option qui constitue « la norme pour le secteur ».
Néanmoins, note-t-il, les conditions d’importation devraient permettre « l’émergence d’une industrie automobile locale performante ».
Et d’ajouter : « Comme le pays a opté depuis plusieurs années pour l’économie de marché, pratique universelle de surcroît, il semble incongru d’interdire l’importation de véhicules quelles que soient les raisons évoquées ».
M. Achaibou signale que durant les deux dernières décennies, le secteur de l’automobile a connu « un développement remarquable et que l’on s’acheminait vers des pratiques universelles souvent proposées par les constructeurs automobiles eux-mêmes ».
Il affirme qu’en dépit des insuffisances, « beaucoup de progrès ont été faits en termes d’infrastructures (showrooms, ateliers), services après ventes… ». Et de regretter que cette dynamique « a été compromise en imposant aux concessionnaires d’aller vers une activité (de montage, NDLR) qui ne relevait pas de leur vocation ».
1,5 milliard de dollars de recettes fiscales perdues…
Entre l’activité de montage, l’importation des véhicules d’occasion, et l’importation des véhicules neufs, Abderrahmane Achaibou fait le choix d’une troisième option plus profitable pour l’État notamment en droits et taxes, selon lui.
« Les statistiques annoncent que 180 000 véhicules ont été assemblés au titre de l’exercice 2018 pour un budget de 3 milliards de dollars. Le nombre d’emplois créés reste de l’ordre de 14 000. Par ailleurs, cette activité est totalement exonérée de taxes. En conservant le même budget de trois milliards de dollars, l’importation des véhicules neufs aurait permis d’importer 300 000 véhicules et le reversement de l’équivalent de 1,5 milliard de dollars en droits et taxes divers (droits de douane, TVA…) en plus de conserver 100 000 emplois qui ont été supprimés à cause de la suppression de l’importation des véhicules neufs », soutient Achaibou.
S’agissant de l’impact financier du montage automobile, Achaibou souligne que dans les conditions actuelles, un budget de trois milliards de dollars dans le cas de l’assemblage SKD engendrerait « au mieux » des taxes de l’ordre de 324 millions de dollars, en considérant pour cela une TVA à 9%.
« Ce même budget permettra une recette fiscale de l’ordre de 1,5 milliard de dollars dans le cas des importations des véhicules neufs », précise-t-il.
Il estime, en outre, à 100 000 postes le nombre total des emplois supprimés au niveau des concessionnaires automobiles.
« Sur la base d’un salaire moyen de 60 000 DA, le manque à gagner en droits Cnas et IRG serait de l’ordre de 330 millions de dollars », détaille encore le patron du groupe Elsecom.