Même s’il a déclaré plus d’une fois ne pas être intéressé ni par une mission de médiation ni par quelque poste que ce soit, il n’en reste pas moins que Mouloud Hamrouche semble sollicité depuis quelques semaines par ceux qui voient en lui « l’homme de la situation » pour qu’il joue un rôle dans la conjoncture actuelle. Plus clairement, pour qu’il présente sa candidature pour l’élection présidentielle du 12 décembre prochain.
Une page Facebook portant le nom de l’ancien chef du gouvernement (1989-1991) compte quelque 12.000 membres. C’est d’ailleurs par le biais de ce support que des partisans de M. Hamrouche ont annoncé ce mardi 1er octobre qu’ils se rendront samedi prochain à son domicile sis à El Biar (Alger) pour l’inviter formellement à se porter candidat.
Le choix de la date, un 5 octobre, n’est peut-être pas fortuit puisque Hamrouche est considéré comme l’homme qui a concrétisé les réformes, notamment l’ouverture politique et médiatique, arrachées par la révolte populaire d’octobre 1988.
« Nous croyons en les idées et le programme de M. Mouloud Hamrouche pour l’édification d’un État moderne qui concrétisera le serment des Chouhada et nous voyons en lui l’homme le plus indiqué pour assumer la fonction de président de la République et mener le pays vers un havre de paix », écrivent les auteurs de l’initiative.
« Aussi, ajoutent-ils, nous appelons tous ceux qui partagent notre vision à se constituer en comité de soutien national regroupant toutes les sensibilités pour interpeller d’une seule voix M. Mouloud Hamrouche pour qu’il se porte candidat aux prochaines élections présidentielles et le soutenir de toutes nos forces ».
Si une telle initiative se concrétise, le principal concerné va-t-il accepter de se porter candidat à l’élection présidentielle ? M. Hamrouche a multiplié les sorties médiatiques ces derniers mois, plaidant pour le changement. Même si certaines de ses déclarations avaient été interprétées comme des appels du pied aux décideurs, l’homme a précisé à chaque fois qu’il n’est animé par aucune ambition. Son discours a évolué d’une posture très prudente à une dénonciation frontale du système.
Le 19 janvier déjà, soit un mois avant le début du hirak, Hamrouche avait mis en garde contre ce qu’il appelait le « pouvoir de secte ». « Tout pouvoir de secte, d’ombre ou d’influence non identifiée qui échappe à tout contrôle est une menace traîtresse contre l’État et ses fondements », avait-il écrit dans une contribution publiée par El Watan.
Le 15 avril, il s’exprime pour la première fois sur le hirak et salue la position de l’armée. En rejoignant le peuple « dans ses revendications légitimes », le commandement de l’ANP a, selon lui, su sauvegarder le statut national de l’armée. « Il lui reste à contribuer au parachèvement de l’édification de l’État national par la mise en place d’une vraie Constitution et d’institutions de vrais pouvoirs… », a-t-il préconisé.
Le 5 mai, alors que le président Bouteflika avait démissionné depuis un mois, Hamrouche appelle l’armée et le peuple à tirer dans la même direction. « Le peuple et l’armée sont seuls. Il ne faut pas qu’ils se tournent le dos ni se trouvent face-à-face. L’armée ne peut aller contre les aspirations du peuple », a-t-il estimé dans une nouvelle contribution.
Le 29 juillet, il rappelle « aux honorables membres du Panel et des forums » qu’il ne serait « pas candidat à d’éventuelles instances de transition ou élection » et appelle clairement l’armée à satisfaire les revendications du hirak. « Il revient à ceux qui sont aux commandes d’agir, de répondre au hirak et de mobiliser le pays pour lui éviter les pièges d’un chaos », avait-il plaidé. Enfin, le 4 septembre, dans sa dernière sortie en date, il qualifie carrément le système d’antinational qui, « pour sa survie, finira par briser la cohésion de l’ANP ». « Les hommes et les femmes de l’ANP évalueront mieux que moi le degré de cette menace », a-t-il dit.
Le nom de Mouloud Hamrouche a toujours été évoqué à chaque crise ou échéance électorale importante, mais depuis sa candidature à la présidentielle de 1999, de laquelle il s’était retiré à la dernière minute en compagnie de cinq autres candidats, il n’avait brigué aucun mandat électif.
Cédera-t-il cette fois aux multiples sollicitations dont il fait l’objet ? Même s’il est difficile de tirer quelque conclusion de ses dernières sorties, il reste que, pour beaucoup, Hamrouche est la personnalité nationale la mieux placée pour incarner cette « troisième voie » que certains évoquent d’ores et déjà pour sortir de l’impasse actuelle.