Peu après la fin de la prière, les manifestants arrivent en masse Place Audin où ils sont accueillis par les gaz lacrymogène de la police qui tente de les empêcher de se regrouper. Déterminés, les manifestants ne cèdent pas. Ils sont rejoints par d’autres groupes qui arrivent depuis les rues et les ruelles voisines.
Rapidement, le centre de la capitale est noir de monde. La police tente une dernière fois de repousser la foule mais les manifestants sont déjà trop nombreux pour être contenus. Les forces antiémeute se retirent. La marche peut commencer.
Il y a des hommes, des femmes, des plus, des familles entières manifestent avec leurs enfants portés sur les épaules, des jeunes qui entonnent des chants de supporters… Tous les Algériens sont représentés. L’ambiance est bon enfant. Une première réponse aux fausses inquiétudes exprimées par les autorités concernant les dangers de la manifestation.
Arrivés à la Grande poste, les manifestants changent d’itinéraire. Ils empruntent l’avenue Pasteur, regagnent la Place Audin avant de s’engager sur le boulevard Mohamed V pour se diriger vers le quartier de Telemly sur les hauteurs d’Alger. Le chemin mène tout droit à la présidence de la République. Les manifestants sont freinés par des tirs de gaz lacrymogène à hauteur de l’École des Beaux-arts. La fumée piquante oblige la foule à revenir en arrière dans un mouvement de bousculade.
Depuis les balcons des immeubles, des familles lancent des bouteilles d’eau et des flacons de vinaigre pour aider les manifestants à supporter les effets du gaz lacrymogène. L’air est irrespirable.
Après une pause de plus d’une heure, les marcheurs reprennent le chemin vers le palais d’El Mouradia, destination finale des contestataires. Ils sont rejoints par d’autres marcheurs partis de la Place du 1er mai. Les manifestants sont bloqués par un impressionnant dispositif.
La police use une nouvelle fois de gaz lacrymogène alors que des jets de pierres ciblent les hommes en tenues bleues. La foule veut pousser encore plus pour s’approcher d’un lieu qui symbolise le pouvoir, le palais d’El Mouradia. Mais, le barrage dressé par la police est infranchissable.
Après un long moment d’attente, les manifestants redescendent vers la rue Didouche Mourad. À ce moment là, vers 18 h, des groupes de jeunes dont des adolescents, sortis de nulle part, montent vers El Mouradia en criant à tue tête des slogans entremêlés. Ces groupes seraient derrière la casse au niveau de l’agence de la BEA, en bas de l’hôtel El Djazair et de l’incendie d’une voiture. La police a annoncé dans la soirée avoir procédé à 45 interpellations après des actes de violences. Selon la DGSN, la majorité des personnes arrêtées étaient l’effet de « psychotropes » et de drogues. Comprendre : ces violences ne sont pas le fait des manifestants pacifiques de la journée.
Durant la marché, qui s’est déroulée d’une manière sereine, les slogans étaient les mêmes que ceux du 22 février 2019. Les manifestants ont particulièrement ciblé Ahmed Ouyahia, Premier ministre, en disant que « l’Algérie n’était pas la Syrie » et Abdelmalek Sellal, directeur de campagne de Bouteflika, qualifié « d’homme loufoque ». À la fin de la marche, des jeunes, munis de sac en plastique, ont nettoyé les rues et les trottoirs dans un mouvement coordonné.