Des patrons du public et du privé ont annoncé la création d’une nouvelle organisation patronale en Algérie : le Conseil du renouveau de l’économie algérienne (CREA).
L’événement serait anodin s’il n’était pas survenu dans un contexte social et économique particulier.
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Par cette initiative, derrière laquelle se trouvent des poids lourds de l’activité économique nationale, c’est peut-être la volonté des autorités de renouer avec le dialogue social et économique qui s’affiche.
Le monde du patronat, acteur privilégié de la vie nationale depuis l’ouverture démocratique à la fin des années 1980, a été tétanisé par la fin de celui qui est peut-être le plus puissant d’une organisation patronale algérienne à la suite de la chute de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.
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Les deux derniers mandats de ce dernier ont été marqués par l’hégémonie du Forum des chefs d’entreprise (FCE) et son président Ali Haddad, ouvertement impliqué dans la politique et le soutien de l’ancien président.
Ali Haddad purge aujourd’hui une lourde peine de prison pour des accusations de corruption et de malversations et ses successeurs à la tête du FCE ont juré de rompre avec la politique.
Mais cela ne semble pas suffire pour remettre le patronat dans son rôle naturel de défenseur de l’outil de production national et d’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
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Depuis près de trois ans, la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), à travers sa présidente Saïda Neghza, est l’une des rares organisations à maintenir une présence permanente sur la scène, dénonçant régulièrement les entraves faites à l’investissement productif, tout en apportant son soutien au président de la République et au gouvernement.
Il est surtout à noter que la Tripartite n’existe plus en tant que mécanisme de concertation. Depuis les années 1990, c’est dans ce cadre incluant gouvernement, patronat et partenaire social, que les questions d’ordre social et en lien avec le monde du travail étaient régulièrement débattues. Même si les syndicats autonomes, réellement représentatifs, étaient exclus au profit de la seule UGTA, syndicat officiel, la Tripartite avait le mérite d’exister.
Rompre avec le schéma du passé
Cette consultation régulière a laissé place à un unilatéralisme dans la gestion des questions économiques, dicté sans doute par l’urgence de certains dossiers mais aussi peut-être par le discrédit des partenaires pendant les dernières années de l’ancien président.
Plusieurs décisions clés ont été prises ces derniers mois en dehors de la Tripartite, dont le relèvement du SMIG et l’abattement de l’IRG pour les bas salaires, pour ne citer que ces deux mesures qui ont une incidence directe sur le pouvoir d’achat des travailleurs et la trésorerie des entreprises.
Le gouvernement a peut-être fini par admettre qu’il a besoin d’un interlocuteur fiable avec le monde de l’entreprise pour éviter de prendre des décisions avant de les annuler ou des mesures carrément contre les entreprises.
L’Algérie fait face à des défis immenses tant sociaux qu’économiques. Avec le recul des recettes en devises issues de l’exportation des hydrocarbures, l’Algérie doit entamer des réformes économiques de grande ampleur pour moderniser son économie et apporter des solutions à des problèmes complexes comme l’eau, la mainmise de l’informel sur l’économie, la réduction de la dépendance alimentaire vis-à-vis de l’étranger, l’exode des élites, la création de richesses et d’emplois…
Dans ce contexte, le besoin d’organisations fortes pour renouer avec la concertation s’est fait sans doute sentir.
La composante de la nouvelle organisation, le Conseil du renouveau économique algérien (CREA), laisse penser à la volonté de rompre avec les schémas du passé.
Le CREA est composé de patrons de très grandes entreprises publiques comme Sonatrach, Saidal, Mobilis, SAA et BEA et de nombreux dirigeants de sociétés privées (Alliance assurances, Vénus, Faderco, General Emballage…) et de startups.
Kamel Moula, patron du groupe Venus qui été décoré le 4 décembre dernier de la médaille de l’Ordre de mérite national au rang de « Achir » par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, est élu président pour trois ans. C’est la première fois que des patrons du privé et du public participent ensemble à créer une organisation patronale.
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Par le passé, le secteur public avait sa propre organisation patronale, l’Union nationale des entreprises publiques (UNEP). À travers la nouvelle entité, dont ils espèrent faire « un acteur important dans notre communauté d’affaires nationale », ils escomptent « établir un dialogue permanent et constructif avec les pouvoirs publics pour offrir aux Algériens de l’emploi, des produits et services de qualité ainsi que du pouvoir d’achat, et soulever les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques dans l’exercice de la création de valeur ».
La présence d’acteurs publics de poids laisse deviner l’aval des pouvoirs publics qui sonnent ainsi le retour de la concertation.