La Loi de finances 2019 doit être signée dans les jours qui viennent par le président de la République.
Les responsables gouvernementaux et la communication officielle expliquent, depuis maintenant plusieurs mois, qu’elle privilégie une démarche « prudente » en misant sur un prix de référence du baril de pétrole de 50 dollars.
Une précaution qui semble particulièrement bienvenue dans un contexte où les prix pétroliers ont confirmé au cours des dernières semaines leur réputation de volatilité et à la veille d’une année 2019 pleine d’incertitudes dans ce domaine.
Le prix de référence, une simple convention comptable
Le prix de référence du baril auquel font allusion les responsables gouvernementaux était fixé au début des années 2000 à 19 dollars avant d’être relevé à 37 dollars en 2007 et à 50 dollars au cours des dernières années. Il sert à calculer le montant prévu pour la fiscalité pétrolière.
Dans sa conception d’origine, il s’agissait de beaucoup plus que cela. Il était censé servir de norme pour mieux maîtriser l’évolution des dépenses de l’Etat. Les dépenses budgétaires devaient être calculées en fonction de ce prix de référence et les éventuels excédents de recettes étaient versés dans le Fonds de régulation des recettes budgétaires (FRR) créé au début des années 2000.
Ce dispositif a fonctionné de façon satisfaisante pendant près d’une décennie jusqu’à l’explosion des dépenses budgétaires de ces dernières années qui a fait apparaître des déficits budgétaires d’un montant de plus en plus élevé. Pour l’année 2019, le déficit prévu est supérieur à 2000 milliards de dinars.
Le prix de référence de 50 dollars est ainsi devenu aujourd’hui une simple convention comptable. « Un échafaudage bureaucratique vidé de toute signification économique qui a pour inconvénient majeur de rendre illisible la gestion des finances publiques », commente un expert algérien.
Un « prix d’équilibre » budgétaire de 92 dollars
En réalité le « vrai » prix du baril associé à la loi de finance 2019 est un « prix d’équilibre budgétaire », actuellement supérieur à 90 dollars, qui permet de financer les dépenses prévues par la loi de finance pour l’année prochaine.
La notion de prix d’équilibre budgétaire a été « inventée » voici près d’une dizaine d’années par les économistes du FMI dans le but d’attirer l’attention des pays exportateurs de pétrole sur la croissance accélérée de leurs dépenses publiques dans un contexte de hausse des prix pétroliers et sur les risques qu’elles faisaient courir à l’équilibre futur de leurs finances.
On ne peut pas dire au regard des développements récents dans ce domaine que les institutions financières internationales aient manqué de sens de l’anticipation. Selon les experts du FMI, les dépenses publiques ont grimpé fortement dans tous les pays exportateurs de pétrole « essentiellement en raison des hausses salariales et des subventions alimentaires et énergétiques ».
Après leur explosion du début de la décennie en cours, la réduction des dépenses budgétaires enregistrée à partir de 2016 et accélérée en 2017 avait fait redescendre le prix d’équilibre budgétaire nettement sous la barre des 100 dollars. Elle l’avait même ramené pour l’année 2017, à un niveau proche de 70 dollars selon les estimations du ministre des Finances, Abderrahmane Raouya .
Malheureusement, la forte relance des dépenses budgétaires décidée en 2018 par le gouvernement Ouyahia a de nouveau fait grimper le niveau de prix du baril nécessaire pour les financer. Au titre de l’année 2019 , il serait précisément de 92 dollars selon les déclarations du ministre des Finances devant les députés et les estimations officielles du projet de loi adopté par le Parlement en contredisant ainsi la rhétorique prudentielle des autorités.
Un « prix de marché »
La situation se complique encore si on tient compte des estimations contenues dans la trajectoire budgétaire triennale associée à la Loi de finances 2019. Dans le cadre de cet exercice imposé par la loi depuis 2016, les fonctionnaires du ministère des Finances établissent des prévisions sur l’évolution des principaux paramètres de l’économie au cours des trois prochaines années.
C’est ainsi qu’ils anticipent une réduction du déficit de la balance des paiements autour de 14 milliards de dollars en 2021 contre un peu plus de 17 milliards l’année prochaine. Dans le même temps, ils prévoient une forte érosion des réserves de change qui devraient continuer à fondre en dépassant à peine la barre des 30 milliards de dollars dans trois ans. Ce qui a choqué beaucoup de commentateurs et a été relevé abondamment par les médias nationaux.
Pour effecteur ces calculs, les fonctionnaires de Ben Aknoun ont utilisé un troisième prix du baril qui est cette fois un « prix du marché » prévu au cours des prochaines années. Leurs estimations suggèrent implicitement que ce prix devrait rester supérieur à 70 dollars d’ici 2021. Un pronostic qu’on peut désormais considérer comme très optimiste et qui s’écarte également des règles de prudence affichées officiellement par le gouvernement algérien.