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Université d’Alger : une affaire de niqab suscite un tollé

Université d’Alger : une affaire de niqab suscite un tollé

La polémique autour du port du niqab (voile intégral islamique) dans les établissements scolaires, objet de récurrentes passes d’armes en France et dans de nombreux pays, s’invite de nouveau en Algérie.

Le renvoi d’une étudiante, inscrite en master I informatique, portant le niqab, par une enseignante à l’université d’Alger I (Benyoucef Benkheda, ex Fac centrale) a suffi pour enflammer les réseaux sociaux algériens et provoquer une avalanche de réactions.

Tout a commencé lorsque des étudiants, présents à la scène, ont relaté l’incident sur les réseaux sociaux. « Ou tu l’enlèves ou tu sors », aurait intimé l’enseignante à cette étudiante dont l’identité n’a pas été révélée.

Sitôt répercuté, l’incident a suscité un tollé et une vague de réactions sur la toile entre, d’une part, les défenseurs de l’étudiante, au nom des « valeurs religieuses » et de la « liberté individuelle » et ses contempteurs parmi ceux qui y voient « un accoutrement étranger à l’identité et à la culture algérienne » et « l’expression d’un islamisme rétrograde » au sein d’une institution censée prodiguer le savoir, d’autre part.

Une étudiante en niqab renvoyée de l’université d’Alger

« On s’interdit entre nous certaines libertés et on veut que le pouvoir respecte nos libertés fondamentales », a réagi l’avocat Abdelghani Badi. « L’université est un lieu de savoir, soutien total à tous les enseignants qui se battent pour qu’elle le reste exclusivement », estime, de son côté, Rachid Hassani, membre de la direction nationale du RCD.

Face aux proportions prises par l’affaire, la direction de l’université d’Alger I n’a pas tardé à réagir en convoquant l’enseignante et l’étudiante pour les auditionner.

Selon un communiqué publié dimanche, la direction de l’université a indiqué que la question sera tranchée par la commission d’éthique et de déontologie devant laquelle le dossier a été déféré.

L’affaire est même parvenue au travers de l’Assemblée populaire nationale où un député du parti El Bina, d’Abdelkader Bengrina, d’obédience islamiste, a décidé d’interpeller par une question écrite le ministère de l’Enseignement supérieur.

Ce n’est pas la première fois que des incidents similaires liés à l’accoutrement secouent l’université ou la toile en Algérie.

Un précédent à Oran

En 2018, une étudiante de l’université des sciences humaines et islamiques d’Oran, Aicha Boudjoudad, entièrement voilée, avait été contrainte de quitter le cours, renvoyée par son enseignant.

Se sentant « humiliée », la jeune femme avait décidé de porter plainte en réclamant des « excuses » de la part de l’enseignant devant tous ses camarades qui l’avaient soutenue.

Plusieurs partis islamistes et l’association des Ulémas avait dénoncé alors l’incident. Mais pour le ministre des Affaires religieuses d’alors, Mohamed Aissa, qui s’exprimait sur les ondes d’une Radio algérienne, « il s’agit là d’habits étrangers à nos traditions et à notre culture […] ». « Le niqab n’a pas sa place à l’école », avait-il affirmé.

Selon l’avocat Me Nadjib Bitam, il n’existe aucune loi interdisant le niqab à l’université, sauf lors des examens, les surveillants peuvent demander aux candidates de révéler leur visage afin de les identifier.

En septembre 2023, une lycéenne portant une robe kabyle avait été empêchée d’entrer à son établissement à El Kseur, dans la wilaya de Béjaia.

Face au tollé provoqué par l’incident, d’autant que l’habit ne recouvre aucune connotation religieuse, la direction avait fini par céder en autorisant l’accès à l’établissement à la lycéenne.

En 2018, le ministère de l’Éducation nationale a pris une instruction qui interdit le port du niqab dans les établissements scolaires.

Au-delà de la question des libertés individuelles, ces polémiques récurrentes soulèvent, selon les observateurs, la problématique identitaire, culturelle, la place de la religion dans l’espace public et l’islamisation de la société algérienne, amplifiée dès les années 1990 par l’avènement du Front islamique du salut (FIS), dissous, conséquence, entre autres, d’une idéologisation de l’école et de l’influence de certains courants politiques et prédicateurs du Moyen-Orient.

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