« Les journalistes ne sont pas l’ennemi » : honnis par Donald Trump, des centaines de journaux américains ont répondu jeudi en publiant des éditoriaux pour insister sur l’importance de la liberté de la presse.
Menés par le Boston Globe sous le mot d’ordre #EnemyOfNone (Ennemi de personne), plus de 200 groupes de presse contre-attaquent après la multiplication des coups de boutoir du président américain contre les médias, qualifiant à l’envi de « Fake News » tout organe de presse publiant des informations qui lui déplaisent.
Le milliardaire n’hésite pas également à traiter les grands médias d’« ennemi » ou d’« ennemi du peuple ».
« Nous avons aujourd’hui aux Etats-Unis un président qui a créé un mantra selon lequel tout média qui ne soutient pas ouvertement la politique de l’administration actuelle est ‘’l’ennemi du peuple’’ », écrit le Globe dans son éditorial jeudi. « C’est un des nombreux mensonges propagés par notre président comme par un charlatan d’antan qui jetait de la poussière ou de ‘’l’eau magique’’ sur une foule pleine d’espoir », poursuit le prestigieux quotidien.
Selon le Globe, cette attitude de Trump à l’égard des médias encourage les hommes forts comme le Russe Vladimir Poutine ou le Turc Recep Tayyip Erdogan de traiter les journalistes comme des ennemis.
Le New York Times, fréquemment cible des invectives présidentielles, a publié un court éditorial sous un titre en lettres capitales « LA PRESSE LIBRE A BESOIN DE VOUS » rappelant que le peuple avait le droit de critiquer la presse. « Mais insister sur le fait que les vérités qui vous déplaisent sont des ‘’fake news’’ est dangereux pour la démocratie », écrit le Times.
D’autres médias à travers le pays ont défendu leur rôle, qui consiste selon certains à faire économiser le temps du contribuable. « Les journalistes couvrent des réunions du gouvernement ennuyeuses et déchiffrent les formules de financement de l’école publique, pour que vous n’ayez pas à le faire », souligne ainsi l’Arizona Daily Star. « Ce n’est pas aussi fondamental que le premier amendement, mais cela peut servir ».
Pour les défenseurs de la liberté de la presse, les déclarations de M. Trump menacent le rôle de contre-pouvoir de la presse et vont à l’encontre du premier amendement qui garantit la liberté d’expression et protège les journalistes.
Initiative limitée
« Je ne crois pas que la presse puisse rester sans rien faire et subir, elle doit se défendre lorsque l’homme le plus puissant du monde tente d’affaiblir le premier amendement », estime Ken Paulson, ancien rédacteur en chef du quotidien USA Today et un des responsables du Newseum, le musée de l’information à Washington.
Mais il relativise l’efficacité de cette campagne de sensibilisation: « Les personnes qui lisent les éditoriaux n’ont pas besoin d’être convaincues. Ce ne sont pas elles qui hurlent (sur les journalistes) aux meetings présidentiels ». Selon lui, face aux assauts de la Maison Blanche, les médias doivent développer une campagne « marketing » plus large pour souligner l’importance d’une presse libre comme valeur fondamentale.
Mais l’initiative de jeudi pourrait galvaniser les partisans du président, qui pourraient y voir une preuve que les médias sont ligués contre lui. « Les médias organisent une attaque plus étudiée et publique que jamais contre Donald Trump » et contre « la moitié du pays qui le soutient », a tweeté Mike Huckabee, ancien gouverneur républicain et commentateur sur la chaîne conservatrice Fox News.
Même des critiques du président ont des doutes. A l’instar de Jack Shafer, de Politico, qui pense que l’effort coordonné « va à coup sûr avoir un effet contre-productif ».
Mais pour les défenseurs des médias, les enjeux sont bien trop importants pour accepter que les affirmations présidentielles soient hors de contrôle. Certains estiment que ses propos ont généré des menaces contre des journalistes et auraient aussi pu créer un climat d’hostilité ayant mené à de violentes attaques comme celle contre le Capital Gazette à Annapolis (Maryland) fin juin, où cinq personnes ont été tuées par un tireur entretenant une relation conflictuelle avec le journal.
Selon un récent sondage Ipsos, 43% des républicains pensent que le président devrait avoir l’autorité de fermer des médias ayant une « mauvaise attitude ».