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Vacances universitaires avancées : un premier test pour le mouvement populaire contre le 5e mandat

Vacances universitaires avancées : un premier test pour le mouvement populaire contre le 5e mandat

La modification surprise par le ministère de l’Enseignement du calendrier des vacances universitaires dans le but de démobiliser les étudiants qui ont été la partie de la population la plus impliquée dans les protestations contre le cinquième mandat constitue sans doute le premier grand test pour la mobilisation populaire après le succès des marches pacifiques.

Les étudiants fortement impliqués dans le mouvement populaire ont joué un grand rôle en maintenant un niveau élevé de mobilisation entre les vendredis de protestation nationale, en organisant des marches et manifestations, souvent imposantes, dans la capitale et dans la plupart des villes pendant les jours de semaines.

C’est sans doute ce rôle de premier ordre joué par les étudiants qui a motivé la décision du ministère de l’Enseignement supérieur d’avancer la date du début des vacances de printemps et de prolonger celles-ci. Le nombre d’universitaires étudiant en dehors de leurs wilayas, donc résidant dans des cités universitaires, notamment dans celles d’Alger et les principales villes du nord du pays étant important, cette mesure est logique du point de vue du pouvoir.

Des étudiants en vacances sont censés rentrer chez eux et donc, quitter en grands nombres les grandes villes, surtout la capitale qui compte des étudiants originaires de toutes les wilayas du pays.

L’annonce de la fermeture des résidences universitaires et l’arrêt des « œuvres sociales » comme le transport et la restauration dès ce dimanche s’inscrit dans cette même logique de démobilisation des étudiants. Mais dans la soirée, probablement à cause des vives réactions de la communauté universitaire contre cette décision, les services compétents du ministère de l’Enseignement supérieurs ont fait machine arrière. Ils ont annoncé que les services d’hébergement et de transport des étudiants seront maintenus jusqu’au 21 mars. Les étudiants pourront donc rester dans les cités universitaires, même si, officiellement, ils sont en vacances.

Samedi soir sur El Khabar, Farouk Bouklikha, directeur des œuvres universitaires a tenus des propos qui ressemblent à une dénonciation de la décision du ministre Hadjar. « On ne peut jeter les étudiants à la rue comme ça, surtout que certains étudiants effectuent des stages et rédigent des mémoires (de fin d’études), sans oublier ceux qui habitent le sud du pays », a-t-il dit.

Mais leur réaction à ce changement des dates des vacances de printemps, vécu par beaucoup d’entre eux comme « une provocation » et une tentative de « musellement de l’université algérienne », sera un indicateur de leur détermination à poursuivre le mouvement. La première réaction à cette annonce s’est manifestée, comme d’habitude, sur les réseaux sociaux, où les étudiants et même enseignants universitaires ont été nombreux à appeler à occuper les facultés et à « retourner à la fac » dès dimanche.

De nombreux appels ont été lancés sur les réseaux sociaux avec des mots d’ordres aussi nombreux que différents. A l’USTHB de Bab Ezzouar, le plus grand campus d’Algérie, les étudiants comptent se rassembler dès ce dimanche matin pour protester contre la décision de Tahar Hadjar, ministre chargé du secteur, et pour décider des actions à entreprendre. Des messages, plus nombreux et plus unanimes, ont appelé à organiser des marches d’étudiants à travers tout le pays ce mardi 12 mars.

D’autres voix ont appelé à observer un rassemblement de protestation devant la Grande Poste à Alger, d’autres à se rassembler devant le ministère de l’Enseignement supérieur. Des appels à la grève sont également lancés dans plusieurs facultés. A l’université de Bouira, une assemblée générale des étudiants s’est tenue ce samedi, dès l’annonce du changement de la date du début des vacances. Il en est ressorti plusieurs décisions, dont un appel à l’occupation de l’université, y compris du rectorat, une grève générale dans l’université et une marche pour le lundi 11 mars à Bouira et une autre qui partira de Bouira pour rejoindre Alger, le 19 mars, date correspondant à la fête de la victoire.

Les enseignants universitaires ont également massivement et énergiquement réagi à la décision de Tahar Hadjar qu’ils ont largement désapprouvée et dénoncée. A Alger, des enseignants ont même promis à leurs étudiants des points supplémentaires aux examens s’ils se rendent demain à leurs facultés. Les enseignants de l’USTHB et d’autres universités du pays ont protesté contre le cinquième mandat et se sont solidarisés avec leurs étudiants. Des enseignants de l’Université de Béjaia ont marché à plusieurs reprises avec leurs étudiants pendant ces deux dernières semaines et quelques uns d’entre eux ont posté, samedi, une vidéo pour dénoncer leur ministre de tutelle.

La qualité et l’envergure de la réaction des étudiants à la tentative de leur ministère de les démobiliser est cruciale pour la suite du mouvement car ils sont le souffle qui a maintenu le mouvement populaire en vie entre un vendredi de protestation et un autre. Ils ont également été dès le début de l’événement, en l’absence des syndicats et des partis politiques, l’élément structurant et locomoteur du mouvement.

Toutefois, les manifestations des étudiants rassemblent moins de monde que celles des vendredis ce qui les rend moins faciles à contrôler et plus faciles à infiltrer comme il a été constaté à plusieurs reprises à Alger. Lors des manifestations des étudiants de dimanche et de mardi passés, des intrus ont profité du petit nombre des étudiants de la capitale pour faire irruption et provoquer des affrontements avec les forces de l’ordre. Une situation qui risque de se reproduire, notamment ce dimanche où les étudiants risquent de réagir en rangs dispersés.

La survenue de violences lors des manifestations qu’organiseront les étudiants ce dimanche est probable et s’il arrive que ces violences soient graves, elles entacheraient le mouvement de protestation pacifique d’une façon qui pourrait être irrémédiable et donnerait un coup sérieux au moral de tous les citoyens, puisqu’avec près de deux millions d’étudiants dans le pays, il est permis de dire qu’il y a au moins un étudiant par famille algérienne.

Les étudiants algériens ont jusqu’ici été exemplaires dans leurs protestations et ont démontré un sens civique hors du commun. Ils ont été derrière de nombreuses initiatives citoyennes, visant à encadrer les marches et ont participé à parfaire leur image d’exemplarité. Il est donc à parier que les étudiants réagiront dignement et pacifiquement à ce qu’ils considèrent comme une provocation de la part de leur tutelle. Ce dimanche, la communauté universitaire algérienne fera face au premier test sérieux depuis le début du mouvement populaire contre le cinquième mandat, un test décisif qui déterminera en grande partie de l’évolution du mouvement à l’avenir.

Un des éléments les plus significatifs concernant la place de l’Université dans le mouvement populaire est que l’encadrement même des universités, à l’image du Recteur de l’Université de Tizi-Ouzou se rebellent contre leur tutelle. Ce dernier a déclaré, sur Berbère Télévision, dans la soirée de samedi, que le début des vacances de printemps ne sera pas avant le 21 mars, contrairement à ce qu’a décidé le ministère. Une réaction relayée par de nombreux politiciens et élus de l’opposition qui ont réagi énergiquement, dès l’après-midi de samedi, à la décision d’avancement de la date du début des vacances.

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