Le discours officiel algérien sur l’acquisition du vaccin contre la Covid-19 a bien évolué depuis l’été dernier. Après avoir annoncé que l’Algérie allait être parmi les premiers pays à acquérir le vaccin, le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid a changé de position.
Désormais, il laisse entendre que l’Algérie pourrait être l’un des derniers pays à lancer une campagne de vaccination contre le nouveau coronavirus Covid-19.
Toutefois, pour le Dr Abdelkrim Touahria membre du Comité scientifique de suivi de l’épidémie de la Covid-19 en Algérie, « il n’y a pas de changement de discours » sur le vaccin.
« L’Algérie a intégré la plateforme Covax de l’OMS (mécanisme qui garantit à plus de 150 pays l’accès égal au vaccin et à des prix abordables, ndlr), c’est une assurance et une garantie pour notre pays de recevoir un vaccin (ou des vaccins) sûrs et de qualité », explique le Dr Touahria dans une déclaration à TSA.
« L’attitude prudentielle de l’Algérie est une bonne chose »
Le président du Conseil de l’ordre des pharmaciens ajoute que « concernant les bons de commandes adressés par chaque pays aux laboratoires, l’Algérie est en train d’étudier les différents vaccins ».
Le Dr Touahria estime que les campagnes de vaccinations lancées par certains pays et celles qui le seront prochainement sont l’occasion d’évaluer les effets secondaires déjà enregistrés.
« Ces campagnes nous donnent un certain recul. Je pense que l’attitude prudentielle de l’Algérie est une bonne chose », soutient le Dr Touahria qui relève qu’ « il n’y a aucune urgence à être les premiers à acquérir le vaccin ».
« À travers le monde, il n’y a que trois ou quatre pays qui ont réellement lancé la vaccination (…) À l’opposé d’autres pays ont décidé de reporter l’opération jusqu’au mois d’avril à l’instar de la Suisse », argue le membre du comité scientifique.
Le mois de juin 2021 est l’échéance arrêtée par l’Organisation mondiale de la santé en vue de doter tous les membres du mécanisme Covax, en vaccin contre la Covid, comme prévu dans sa feuille de route, selon Lilia Oubraham représentante de l’OMS en Algérie.
L’Algérie justement « est à jour » assure la représentante de l’agence onusienne, dans une déclaration à Echourouk news, mercredi 16 décembre. Ne pas brûler les étapes, ne pas se précipiter et suivre la feuille de route tracée dans le cadre du mécanisme Covax, « il s’agit de la santé et de la sécurité de la population », explique la représentante de l’OMS résumant l’attitude adoptée par l’Algérie.
« Il ne faut pas brûler les étapes juste parce qu’il faut répondre rapidement à une attente », exhorte Mme Oubraham. « Prudence et efficacité » tel est le diptyque qui empreint l’attitude de l’OMS vis-à-vis du vaccin anti-Covid et auquel l’Algérie semble adhérer.
Retard technologique et bon sens
Pour le président du syndicat des praticiens de santé publique (SNPSP), Dr Lyes Merabet, l’attitude algérienne s’explique d’abord par le retard technologique, au même titre que les pays sous-développés.
« Je pense que lorsqu’on est tributaire des autres par rapport à un produit ou une technologie, il est tout à fait compréhensible qu’on soit dans l’attente ou dans l’expectative », estime-t-il.
La deuxième raison qui explique le changement de discours officiel algérien sur le vaccin contre la Covid-19, selon Dr Lyes Merabet, tient au fait que l’engouement qui s’est installé chez certains responsables a été entaché de contradictions.
« Le ministre faisait des déclarations, d’autres responsables qui n’étaient pas habilités à le faire ont fait des déclarations non pas au niveau technique ou scientifique mais se sont exprimés sur des décisions qui relèvent du gouvernement », ajoute le praticien.
Dr Lyes Merabet fait référence à la cacophonie qui avait régné autour de la gratuité et de la date de début de la campagne de vaccination contre la Covid-19.
Le Dr Merabet relève néanmoins que l’attitude algérienne vis-à-vis du vaccin n’est pas tout à fait dénuée de « bon sens ». Ce dans la mesure où des pays développés ont fait le choix de retarder la campagne de vaccination à l’instar de la Suisse bien qu’ils aient déjà passé commande du vaccin.
Pour le président du SNPSP, la situation épidémiologique en Algérie est beaucoup moins préoccupante que dans certains pays qui ont fait le choix de vacciner très tôt leurs populations.