Société

Vaccination anti-Covid : le Pr Senhadji tire la sonnette d’alarme

Le professeur Kamel Senhadji, président de l’agence nationale de sécurité sanitaire, a indiqué ce lundi que l’usine de fabrication du vaccin russe anti-Covid en Algérie était en « très bonne voie ».

« On va vers la mise en place de la fabrication locale du vaccin Spoutnik V pour aller vite et gagner du temps, ne pas attendre les livraisons. Vu la demande mondiale, le meilleur moyen serait de produire localement et envahir son propre marché national, et éventuellement et pourquoi pas après exporter », indique le professeur Senhadji dans un entretien accordé à TSA ce lundi.

Fabrication du Spoutnik V en Algérie : « C’est en très bonne voie »

« Les échanges sont très fructueux et avancent très vite avec le partenaire russe qui participe à la mise en disponibilité de sa technologie et son aide technique par rapport au potentiel existant en Algérie qu’on est en train de rassembler et dont on définit les tâches pour chacun pour prendre en charge les différents aspects techniques de ce projet. C’est en très bonne voie », explique le président de l’agence de sécurité sanitaire.

« C’est quelque chose qui doit avancer dans les prochains mois. On pense que dans six à huit mois on pourrait éventuellement produire le vaccin Spoutnik en Algérie », fait savoir le professeur Kamel Senhadji, qui évoque trois sites potentiels où sera implantée l’usine : Constantine, Sidi Abdallah, Oued Semar (Alger).

« Il me semble que l’usine de Constantine est plus prête à héberger ce projet que les autres. C’est une affaire qui est en bonne voie de se mettre en place », précise-t-il.

Le professeur Senhadji a également souligné durant l’entretien la nécessité pour l’Algérie d’accélérer la cadence de vaccination contre la maladie à coronavirus Covid-19, estimant qu’il « n’y pas pire » pour l’Algérie qu’un rythme de vaccination lent tel que présent actuellement. Il titre la sonnette d’alarme.

« On dépend de la disponibilité des vaccins, mais l’idéal c’est de faire vite, vite, vite. Il n’y a pas pire que de vacciner à petites fractions parce que c’est lent, ça ne se voit pas et puis ça risque de faire émerger des mutants. Dès que vous commencez à toucher doucement le virus avec la vaccination, le virus va essayer de résister. Il va muter et devenir variant. Il ne faudrait pas lui laisser la possibilité de muter », préconise le président de l’agence nationale de sécurité sanitaire.

« Même si on vaccine 100 000 par jour, ça fait 3 millions par mois. Il faut 7 à 8 mois pour vacciner les 20 millions, donc jusqu’à la fin de l’année. Là, c’est dans les pays développés qui vaccinent avec 100 000. Il faudrait qu’on le fasse parce que même si on table sur 50 000, ça va faire un an et demi. Toujours est-il qu’il faudrait avoir les doses disponibles. Il faut avoir des stocks où il y en a, parce que si vous arrivez avec des trous, c’est du temps perdu et là ça pose beaucoup de problèmes. Même avec des pays qui font 300 000 par jour, l’exemple de la France, elle va le faire pratiquement à la fin de l’année », indique le professeur.

Le professeur Kamel Senhadji a évoqué en outre les inquiétudes liées autour du vaccin d’AstraZeneca, dont l’administration a été suspendue dans certains pays européens, dont la France, l’Italie et l’Allemagne.

« Ce qu’on doit savoir, c’est que la thrombose est une pathologie qui existe dans la population générale. Parce qu’on est en pleine pandémie et en pleine campagne de vaccination, les gens vaccinés faisant partie de la population générale, l’étude est en train d’être menée pour voir. Le résultat tend vers cette conclusion qui dit que le même taux de thrombose existe dans la population générale », rassure le professeur.

Un plan B en cas de flambée de l’épidémie

L’entretien a aussi été l’opportunité pour le professeur Senhadji pour présenter deux propositions mises sur la table par l’agence nationale de sécurité sanitaire qu’il préside. La première concerne un plan proposé de lutte contre une éventuelle flambée de l’épidémie de Covid-19 dans le cas d’une propagation effrénée du variant britannique du coronavirus.

« L’agence de sécurité sanitaire propose d’anticiper le problème de la prise en charge des patients au cas où il y aurait une escalade de ce variant et qu’il prenne le dessus. Comme ça va vite, ça va infecter beaucoup de monde et donc générer beaucoup d’hospitalisations. La tension sur le système de santé va être rapidement dépassée et même dépassée de beaucoup si le virus va avoir des cadences fulgurantes. Notre système de santé ne pourra pas suppléer à cette augmentation vertigineuse éventuelle des cas de Covid », met en garde le professeur Kamel Senhadji.

« L’agence revient de nouveau à une proposition qui n’a pas été prise en compte, mais qui est à sa place, c’est de demander à ce que les services Covid soient externalisés dans quelques hôpitaux extérieurs et de sortir du Covid des hôpitaux tels que ça a été fait au début, c’est-à-dire tous les services étaient Covid », préconise-t-il.

« Si on a le variant, nos hôpitaux actuels ne vont pas suffire. Nous avions proposé qu’il y ait quatre grands hôpitaux externes dédiés au Covid, deux à l’Est et deux à l’Ouest. On peut construire de grands chapiteaux ou s’il y a un grand gymnase qu’on peut modifier pour le dédier à ça, quitte à l’équiper, etc. Un par exemple à Sétif qui pourrait drainer tout l’Est de l’Algérie jusqu’à l’extrême Est, puis un autre peut-être vers Bouira pour drainer tout ce qui est vers la Kabylie, la capitale, etc. Puis deux à l’Ouest, un par exemple à Chlef pour drainer l’ouest de la capitale avec toute la région entre l’Ouest et le centre. Puis un autre à l’extrême Ouest à Oran pour drainer tout l’Ouest de la frontière, Tlemcen, Oran, Béchar, etc. », suggère le président de l’agence de sécurité sanitaire.

« Dans ces grands hôpitaux, vous allez sortir le Covid et surtout prémunir des nouvelles contaminations. En laissant à l’intérieur des villes, c’est participer à la propagation du virus. Il y aura des patients, des gardes malades… tout ce monde-là va être contaminé, ça va être la catastrophe », estime-t-il.

« Mettre ailleurs dans ce que je viens d’indiquer, vous allez contenir le Covid, vous allez confiner aisément, vous allez contrôler et puis vous allez gérer sur le plan logistique l’oxygène, les médicaments, etc. Comment gérer sur le plan logistique 36 000 centres Covid tel que c’est réparti actuellement ? L’un veut de l’alcool, l’autre veut des bavettes, etc. Ce n’est pas gérable », critique le professeur Senhadji.

« Surtout, le personnel soignant est le même actuellement qui travaille depuis une année. Ils sont éreintés, épuisés, ils sont à bout. En externalisant sur quatre centres, on peut imaginer qu’au bout d’un trimestre, ces centres reprendraient ce personnel, le ramènerait chez soi et serait remplacé par du sang neuf », soutient le professeur.

Fabriquer des vaccins en Algérie

La deuxième proposition formulée par le président de l’agence nationale de sécurité sanitaire concerne la mise en place d’une stratégie autour du développement de la technologie de vaccin de type ARN Messager en Algérie.

« Il est de notre intérêt que dans quelque temps on puisse s’intéresser à la technologie de l’ARN messager en Algérie. Comme nous le proposons au nom de l’agence nationale de sécurité sanitaire, c’est d’avoir un système cohérent, pas seulement fabriquer du Spoutnik ensuite c’est terminé, et après ? Quand il n’y a plus de Covid, qu’est-ce qu’on fait ? On ne va pas casser l’usine. Il faut l’adapter pour autre chose », plaide le professeur Kamel Senhadji.

« On doit s’inscrire dans une logique d’urgence pour fabriquer ce dont on a besoin, mais se mettre aussi dans la perspective de pouvoir s’adapter pour fabriquer du vaccin pour d’autres maladies et si jamais le Covid va poursuivre ses mutations en donnant des mutants très résistants comme le variant nigérian », souligne-t-il.

« On doit se mettre dans la perspective de fabriquer le vaccin avec cette technologie et surtout grâce à la mise en place d’un centre de vaccinologie. C’est un centre de recherche dans lequel il y aura des chercheurs qui vont aborder toutes ces maladies infectieuses du futur », soutient le président de l’agence de sécurité sanitaire.

« A chaque fois qu’un phénomène infectieux est signalé, il est étudié et par voie de conséquence, ce centre de vaccinologie le prend en charge pour pouvoir préparer la vaccination qui va avec, en particulier la vaccination de type ARN parce que c’est celle-là qui nous permettra d’avoir une grande flexibilité et de fabriquer à chaque fois où il y a des mutations inquiétantes, on peut trouver la parade en cinq ou six semaines pour contrer le mutant, ce qui est plus difficile avec les technologies de vaccin classiques, car ça prend beaucoup de temps », estime le professeur Senhadji.

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