Le Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique de suivi de la Covid-19, explique les raisons du retard pris par l’Algérie dans la vaccination, appelle la population à respecter les gestes barrières durant le Ramadan et parle du vaccin AstraZeneca.

Le quota initialement destiné à l’Algérie, dans le cadre  du mécanisme Covax a été réduit à 600 000 doses contre 16 millions de doses initiales. Quelle est votre explication ?

Il est clair qu’aujourd’hui on assiste dans le monde à une tension grandissante sur les vaccins, étant donné que dans les pays producteurs la demande est énorme.

Par conséquent, ces pays comme la Chine (et l’Inde, ndlr) préfèrent prioriser leurs populations. Bien entendu, c’est une difficulté énorme, d’autant que l’épidémie est en train de gagner du terrain. Ne serait-ce que par rapport aux variants.

Les gouvernements, de leur côté, tentent à tout prix de réserver d’abord les vaccins qu’ils produisent dans leurs pays respectifs comme l’Angleterre et les États-Unis.

Des pays émergents comme l’Algérie ont ainsi des difficultés à trouver des fournisseurs. Nous avons clairement une situation de retard dans les commandes, induisant de fait un retard dans l’administration des vaccins qui reste la seule solution de lutte contre la Covid-19.

À travers ses relations de pays à pays, comme avec la Russie et la Chine mais aussi par le biais des firmes et de l’OMS, l’Algérie tente par tous les moyens de s’approvisionner en vaccins.

L’OMS elle-même avait un approvisionnement régulier pour approvisionner les pays à faibles revenus, est en train de réviser ses prévisions. L’Algérie, heureusement, est dans une situation épidémiologique très favorable, mais jusqu’à quand va-t-elle durer ?

Le fait que nous sommes isolés et je dirais placés en quarantaine (pas de lignes aériennes ni maritimes), nous a préservés des vagues successives qu’ont connues d’autres pays du monde.

Pour espérer atteindre l’autosuffisance en matière de vaccins notamment, l’Algérie veut se lancer dans la fabrication du Spoutnik V…

En ce qui nous concerne, l’Algérie est à même de produire des vaccins avec des technologies qui peuvent être transférées par des pays amis, y compris contre la Covid mais aussi d’autres types de vaccins contre les épidémies à venir d’autant que les experts n’excluent pas que surviennent le Sars-CoV-3 dans quelques années…

Nous ne sommes pas, de par la mondialisation, à l’abri des multiples vagues d’infections virales ou bactériologiques. Cette idée de pouvoir avoir ne serait-ce que l’autosuffisance en matière de vaccination qui reste la prévention majeure dans la lutte contre les maladies transmissibles, a été creusée par le président de la République, et exécutée aujourd’hui par le ministère de l’Industrie pharmaceutique.

Le Ramadan c’est pour très bientôt. Les prières des tarawih sont autorisées cette année contrairement à l’an passé. Que recommandez-vous aux fidèles ?  

 Nous devons maintenir les mêmes restrictions en matière de gestes barrières. Durant le Ramadan, les gens ont tendance à se regrouper et là les protocoles sanitaires doivent être respectés : que ce soit durant les tarawih ou bien les prières quotidiennes et la prière du vendredi.

Il faut que nos concitoyens prennent conscience que les réunions en familles sont à limiter et ce tant que nous n’aurons pas de résultats probants par rapport à l’épidémie en elle-même ou alors tant qu’on n’aura pas avancé dans la vaccination. Donc, je dis prudence pour le mois de Ramadan.

Malgré tout ce qui se dit autour des effets du vaccin AstraZeneca, le ministère de la Santé n’a pas initié de campagne d’information vis-à-vis des soignants et de la population, de plus en plus réticents. Quel est votre avis ?

Il faut savoir que le vaccin AstraZeneca a une réputation plus ou moins négative. En particulier par rapport aux effets de thromboses qui sont de l’ordre d’un cas sur 100.000. C’est tout à fait aléatoire et négligeable.

Il y a lieu de signaler que la Grande-Bretagne a essentiellement vacciné des dizaines de millions de personnes avec le vaccin d’AstraZeneca et le pays est revenu à une vie subnormale.

L’Agence européenne des médicaments a considéré que le bénéfice de ce vaccin l’emporte sur le risque. Maintenant c’est à chaque pays de décider. Un certain nombre de pays ont décidé de ne pas vacciner avec l’AstraZeneca les patients de plus de 55 ans.

Pour nous en Algérie, la population étant jeune, je ne pense pas que nous ayons d’inconvénient à utiliser l’AstraZeneca, il n’y a véritablement pas de peur. Les Algériens, qui au vu de ce qui se dit sur les médias étrangers, ont pris peur et c’est normal.

Mais je dirais que la peur du Covid-19 doit être plus importante que celle du vaccin en lui-même. Le principe de précaution doit bien entendu prévaloir, surtout que l’OMS n’a pas rendu d’avis définitif sur ce vaccin…