Le Dr Mustapha Benbraham, président du Syndicat national des médecins libéraux (SNML), qui revendique 35 000 adhérents, dénonce l’exclusion des médecins libéraux de la campagne de vaccination contre la Covid-19. Entretien.
La campagne de vaccination contre la Covid au profit des personnels soignants du secteur public a commencé. Comment se passe-t-elle avec les médecins libéraux ?
Non pas du tout. Nous n’avons aucune information dans ce sens. Nous lisons les informations comme tout le monde. Nous ne voyons rien venir. Il n’y a aucune note qui a été adressée aux médecins libéraux par les DSP (directeurs de santé).
Certains médecins libéraux se sont déplacés vers des structures étatiques et certains ont été portés sur des listes d’attente. Il n’y a donc pas de traitement particulier pour les médecins libéraux dans cette campagne de vaccination.
Nous n’avons pas été impliqués dans cette campagne de vaccination qui aurait dû commencer par une bonne campagne d’information. Or, on n’a pas eu droit à un débat médiatique serein sur cette campagne.
Nous sommes face à des patients qui nous posent des questions que nous aurions aimé poser aux responsables et pour apporter les réponses aux malades. C’est notre rôle. Il aurait été plus responsable d’établir un plan d’information auprès des professionnels de la santé, et on aurait évacué toutes ces questions.
Ensuite, nous aurions dû avoir une idée sur le calendrier vaccinal, et là on s’est contenté de nommer un Monsieur Vaccin dans chaque wilaya. Or, si on nomme mais qu’on ne communique pas, c’est comme si on n’a rien fait. Il n’y a aucune communication. Il ne peut y avoir de campagne de vaccination si on n’informe pas.
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En tant que syndicat, on ne vous a pas trop entendu sur ce sujet. Est-ce par résignation ?
En fait c’est en rapport à ce que j’ai dit précédemment, à savoir que nous n’avons pas été invités à participer aux débats sur la campagne anti-Covid. Il y a un ministère (de la Santé) qui a pris en charge une campagne de vaccination, et dès lors nous attendions qu’on nous en donne les détails.
Aujourd’hui, les gens qui étaient censés nous informer ne l’ont pas fait. En ce qui nous concerne, nous ne voudrions pas vivre l’épisode des moyens de protection (au début de la crise sanitaire, les médecins libéraux n’ont pas reçu les masques, les blouses, et ont dû s’y prendre par leurs propres moyens, NDLR).
Nous n’avons pas été impliqués dans la prise en charge des malades Covid, et jusqu’à aujourd’hui tous les textes du ministère de la Santé nous éliminent de la prise en charge du Covid. Pour la vaccination, il n’y a aucun plan particulier pour la prise en charge des médecins libéraux.
Vous sentez-vous oubliés ?
Oubliés certainement. Le fait et le constat sont là. Les médecins libéraux de tout le pays se demandent aujourd’hui « Comment allons-nous être pris en charge pour la vaccination ? ». Nous n’avons aucune réponse.
Le Dr Fourar (porte-parole du comité scientifique de suivi de la Covid, NDLR) a réuni, il y a quelques jours, toutes les associations de la santé, à l’exception du syndicat des médecins libéraux. Nous, médecins libéraux, demandons à avoir des informations sur la prise en charge de nos malades dont nous sommes les interlocuteurs, les relais.
Comment se fait-il qu’on lance une campagne de vaccination sans informer le médecin qui est censé diriger ses malades ? Si moi, médecin, je ne suis pas au courant de la stratégie vaccinale dans chaque wilaya, quels sont les points de vaccination et qui sont les vaccinateurs, ça ne fera qu’amplifier les questionnements des patients.
Le ministère de la Santé est chargé de mener la campagne de vaccination, il se doit par conséquent d’informer les acteurs impliqués dans l’opération, et sur cet aspect nous sommes en première position. En tant que personnels à vacciner qu’en notre qualité de médecins qui sont là pour diriger les malades.
Faut-il rappeler que les médecins libéraux ont payé un lourd tribut durant l’épidémie…
Nous avons eu 157 décès à cause du Covid et des centaines de contaminations parmi les médecins libéraux. C’est pour cela que je dis qu’on s’est fait avoir. On nous a tourné le dos. Nous n’avons jamais été impliqués dans la prise en charge du Covid.
Dans tous les textes du ministère de la Santé, vous ne trouverez aucun qui stipule que le médecin libéral peut prendre en charge le malade Covid. Le SNML a proposé un protocole de prise en charge en ambulatoire que j’ai moi-même proposé au comité scientifique et en présence du ministre de la Santé.
Par cette proposition, nous allions acter l’intervention du médecin libéral dans la prise en charge en ambulatoire des malades Covid, afin d’alléger la pression sur les hôpitaux.
Or, nous n’avons jamais eu de réponse. Nous étions en première ligne de fait, mais dans les textes et la réglementation nous ne l’étions pas puisque personne ne nous a demandé de l’être. On s’est laissé obnubiler par cette histoire de « soldats aux blouses blanches », mais la blancheur peut parfois signifier la naïveté, et je crois que c’est le sens qu’on a essayé de donner à cette couleur.
En ce qui nous concerne, nous n’avons jamais failli à notre mission, malgré les textes qui nous excluent de la prise en charge des malades Covid. Les médecins libéraux l’ont fait en leur âme et conscience, et comme on n’a pas triché on a eu 157 morts et des centaines de contaminés. Vous ne trouverez pas un seul médecin libéral qui n’a pas eu le Covid.
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