CONTRIBUTION**. A partir du 25 août 2021, la vaccination covid-19 pourra se faire en pharmacie d’officine, en application de l’arrêté N° 43 du 7 août 2021 du ministère de la Santé portant sur l’autorisation des pharmacies d’officine à vacciner contre le covid-19.
Elle vise à l’accélération de la vaccination au sein de la population, au niveau, potentiellement, des 11.000 pharmacies à l’échelle nationale.
Cette démarche du ministère de la Santé soulève quelques interrogations quant au choix des pharmacies d’officines au détriment des cabinets des médecins généralistes et les légitimes inquiétudes sur la sécurité vaccinale qui en découlent d’une part, ainsi que des réserves sur son ancrage juridique.
Choix des pouvoirs publics et sécurité vaccinale ?
Depuis toujours et jusqu’à présent, les vaccinations ont lieu dans des centres de vaccination du secteur public, sous le contrôle et l’autorité d’un médecin. Afin d’accélérer la vaccination et atteindre l’immunité collective dans les meilleurs délais, il était attendu des pouvoirs publics d’impliquer d’abord les cabinets médicaux pour vacciner ceux qui n’iront pas dans les centre de vaccination.
Le choix du ministère de la Santé a été tout autre, celui d’impliquer les pharmaciens d’officine au détriment des médecins généralistes libéraux, trois fois plus nombreux, mieux équipés, de plus grande proximité avec la population, disposant d’espaces autrement plus spacieux et adaptés à la vaccination, qui connaissent leur patientèle et surtout autrement plus compétents pour des actes médicaux, de prescription, de soins et de prévention car diplômés d’une faculté de médecine.
La vaccination ne se résume pas à l’injection du vaccin. Elle est précédée d’un interrogatoire à la recherche d’une contre-indication ou d’une vaccination à différer et d’un examen physique sommaire, prise de la tension artérielle, examen des poumons. Elle est suivie par une surveillance et la prise en charge des éventuels effets indésirables et complications.
La vaccination par les médecins privés n’exclut nullement, en situation d’urgence sanitaire, l’implication d’autres professionnels de santé, pharmaciens d’officine, chirurgiens-dentistes, sage femmes et infirmiers, à condition d’avoir eu la formation nécessaire.
Dans cette situation et dans ces conditions, la vaccination en pharmacie d’officine apparaît tout à fait judicieuse, voire nécessaire. En France, pour la comparaison, les pharmacies d’officine participent depuis octobre 2019 à la vaccination contre la grippe et depuis le 15 mars 2021 à la vaccination covid-19.
Néanmoins, pour être autorisé à administrer les vaccins, le pharmacien doit valider une formation théorique et une formation pratique permettant d’acquérir les bons gestes pour la vaccination. La session de formation sur la vaccination covid-19, destinée aux pharmaciens d’officine, organisée par visioconférence le 22 août 2021 par le ministère de la Santé, sans aucune formation pratique et sans aucune évaluation ne nous semble pas réunir les garanties suffisantes pour une vaccination en toute sécurité.
D’ailleurs, nombre de pharmaciens n’ayant jamais fait une injection intra musculaire ont émis lors d’un webinaire en date du 23 août 2021 sur ce sujet, le souhait, voire la nécessité d’effectuer un stage pratique dans des centres de vaccinations.
Bien que les médecins libéraux aient toujours manifesté leur disponibilité et mise à disposition des pouvoirs publics pour vacciner, l’accessoire a été privilégié sur l’essentiel.
Ancrage juridique
La vaccination est un acte médical et conséquemment réservé au corps médical ou à un personnel soignant exerçant sous son contrôle et sous son autorité.
Les dispositions contenues dans la loi 18/11 du 4 juillet 2018 relative à la santé précisent les prérogatives des médecins et de la pharmacie d’officine.
Art. 174. — Seuls les professionnels de santé praticiens médicaux, habilités dans l’exercice de leurs fonctions et dans les limites de leurs compétences, peuvent prescrire des actes de diagnostic, de soins, d’exploration et des produits pharmaceutiques. Ils doivent veiller au respect des bonnes pratiques de prescriptions.
Cet article exclut de facto tout ce qui n’est pas praticiens médicaux dont les pharmaciens d’officines.
Art. 179. — Le pharmacien ne peut dispenser des produits pharmaceutiques que sur prescription médicale.
La vaccination en pharmacie d’officine va permettre non seulement la prescription médicale, puisque le pharmacien d’officine va décider de la vaccination, la dispensation du vaccin et la vaccination
Art. 249. — La pharmacie d’officine est l’établissement affecté à la dispensation au détail des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux ainsi qu’à l’exécution des préparations magistrales et officinales. Elle peut accessoirement assurer la distribution au détail des produits parapharmaceutiques.
Il n’est nullement question dans cet article de loi d’une possibilité de vaccination ou, par ailleurs, et également, de vente de concentrateurs d’oxygène.
L’arrêté N° 43 du 7 août 2021, du ministère de la santé portant autorisation des pharmacies d’officine à vacciner contre le Covid-19, ne peut évidemment modifier une disposition législative.
Aucun des 4 participants au webinaire n’a relevé cette antinomie. Il s’en est même trouvé un qui reconnait que la loi relative à la santé interdit la vaccination en pharmacie d’officine mais que le groupe technique chargé de ce projet avait dixit « légiféré par un arrêté, ce qui rend légal la vaccination en pharmacie d’officine » Par la magie d’un arrêté « élevé » au rang hiérarchique de loi, la vaccination est dorénavant possible en pharmacie d’officine.
*Président du Conseil Régional de l’Ordre des médecins de Blida
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