L’Algérie connaît un léger rebond des contaminations au Covid-19 depuis quelques jours, dans un contexte de propagation des variants britannique nigérian et britannique.
Cette recrudescence est-elle inquiétante ? La question a été posée au ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid, ce mercredi par des journalistes.
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« On a une crainte depuis quelques semaines avec l’augmentation des chiffres. Cette crainte demeure beaucoup plus dans le nombre de décès, c’est cela pour nous le baromètre. Tant que cette pandémie résiste, nous serons dans une similitude avec tout ce qui se passe dans le monde. Même si les frontières sont fermées, le virus est là, il est parmi nous avec ses variants, le nigérian, le sud-africain et l’indien », a répondu le ministre.
« Ce virus est incontrôlable »
Sur l’apparition des variants en Algérie malgré la fermeture totale des frontières, Benbouzid a expliqué : « Quoi qu’on fasse, il y a des équipes qui nous assistent, des Indiens, des Chinois, il y a probablement des passages qui se font et nous avons eu les variants. »
Et d’ajouter : « Ce virus est incontrôlable. Il se pourrait -je ne suis pas spécialiste- que cette maladie évolue par cycles, que ce virus ait une dangerosité, il se calme pour des raisons qu’on ignore puis reprend vie parce qu’il a retrouvé de l’énergie, des conditions. On a même calculé que c’est à peu près après 4 mois, comme la fièvre, le choléra ou des maladies qui se taisent quelque temps et qui reviennent. Donc on ne sait rien du virus. Le seul moyen de le combattre, je le répète, ce sont les mesures-barrières. »
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Insistant sur l’efficacité des gestes barrières, le Pr Benbouzid a assuré que « partout dans le monde on ne cesse de dire que ce sont des mesures essentielles, des mesures de protection de soi-même et de protection des autres ; distanciation, lavage, éviter les rencontres et les regroupements, port du masque, etc. »
Relancé sur la question des variants, le ministre a répondu : « On ne sait rien encore des variants. Les séquençages ont été faits et continuent à se faire, il se pourrait qu’on identifie encore du variant indien ou d’autres ».
Ce que Pfizer a exigé de l’Algérie
Interrogeant sur la campagne de vaccination qui tourne au ralenti en Algérie, le Pr Benbouzid a défendu la démarche du gouvernement dans l’acquisition des vaccins.
« Nous avons dès début août engagé les prospections en invitant les ambassadeurs d’Angleterre, de Russie, de Chine, tous les laboratoires, en signant des mémorandums », a-t-il dit.
Le ministre a ensuite révélé que le géant pharmaceutique Pfizer a exigé pour vendre des vaccins à l’Algérie : « En novembre, nous avons convenu avec Pfizer, mais il nous a mis dans une situation que nous ne pouvions pas accepter dans la mesure où il nous a demandé d’acheter un certain nombre de vaccins, de payer en avance et d’exonérer totalement Pfizer de toutes poursuites dans le cas où le vaccin aurait des travers. Nous ne l’avons pas accepté, nous ne l’acceptons toujours pas. Ça c’est pour Pfizer ».
Pour l’acquisition des vaccins russe et chinois, le Pr Benbouzid joue aussi carte sur table.
« Pour le reste, nous avons commencé le 20 décembre. M. le président de la république nous a demandé de ramener le vaccin pour janvier. Nous avons engagé très intensément des discussions avec la Chine, avec AstraZeneca, Gamaleya ou le fonds d’investissement direct russe qui fait le vaccin Sputnik », a-t-il expliqué.
Avant de donner les chiffres : « Nous avons reçu 50 000 doses, alors qu’au 13 janvier, j’avais signé un accord avec la partie russe pour l’acquisition d’un million de doses. Nous n’avons reçu que 50.000 à la fin janvier, on a reçu encore 50 000 d’Astra-Zeneca, ensuite 30.000 du vaccin russe et on a commencé la vaccination ».
Le Pr Benbouzid a reconnu qu’il était difficile de lancer la campagne de vaccination en raison de la faiblesse des doses de vaccins anti-Covid.
« C’est difficile de répartir ce faible quota sur la population. Et l’occasion m’est donnée de dire ma satisfaction vis-à-vis de la population, et notamment des personnels de santé qui ont bien réagi au peu de vaccins. Nous avions quelques appréhensions quant à la faible quantité de voir des patients ne pas trouver le vaccin et peut-être des débordements ou des mécontentements. »
Poursuivant ses explications, le ministre a ajouté que l’Algérie a reçu ensuite un don de 200 000 doses des Chinois (Sinopharm), puis son quota de plus de 300 000 dans le cadre du système Covax (AstraZeneca).
« Vous savez tout ce qui s’est dit sur ce vaccin (AstraZeneca). Pour nous, c’est un vaccin comme les autres, il a un taux d’efficacité et puis nous le préconisons pour les sujets qui ont plus de 65 ans, maintenant ailleurs c’est même moins de 65 ans. C’est un vaccin comme les autres vaccins, s’il n’assure pas une efficacité à 90 %, il réduit les formes graves. Réduire les formes graves, c’est ce que nous souhaitons », a-t-il expliqué au sujet de la polémique sur le vaccin britannique qui a été suspendu dans certains pays en raison d’effets secondaires rares, mais graves.
« Nous maintenons la même détermination »
Revenant sur la faiblesse des doses de vaccins qu’a reçues l’Algérie, le ministre a souligné qu’il « y a une tension dans le monde, il y a eu même des situations conflictuelles. »
« Nous maintenons la même détermination. Il y a aussi la partie diplomatique. Il faut aussi savoir que ce n’est plus que du ressort de la santé. La santé identifie la nature du vaccin, il est qualifié, il est enregistré, il est perçu favorablement par les membres du Comité scientifique et l’ensemble de la corporation et nous faisons la commande », a-t-il expliqué.
Une fois ce processus terminé et si les vaccins ne sont pas disponibles, la diplomatie prend ensuite le relais. « Ensuite si la commande ne parvient pas, on fait intervenir la partie diplomatique, bien entendu le ministère des Affaires étrangères, le Premier ministère et pourquoi pas le président de la République pour mettre le poids de la dimension politique vis-à-vis de certains pays avec lesquels nous avons d’ailleurs des relations stratégiques, j’entends par là la Chine ou la Russie », a détaillé le Pr Benbouzid.
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« Mais quand je vois et je lis, autant que vous, tous les pays qui n’ont pas reçu. Donc, le vaccin ce n’est pas la panacée, mais il nous faut le vaccin. On a vu que dans certains pays où on a vacciné 80% de la population, les chiffres ont beaucoup baissé », a-t-il relativisé.
Le Pr Benbouzid a abordé ensuite la question de l’immunité des personnes vaccinées face au Covid-19. « Il reste aussi des doutes sur le vaccin. La durée de l’immunité qui peut appeler, on est à sept mois, huit mois, à renouveler la vaccination, donc à reposer le même problème ».
Le Pr Benbouzid a ensuite évoqué son bilan à la tête du ministère de la Santé. Deux mois après sa nomination, les premiers cas de Covid-19 sont déclarés en Algérie fin février, mettant le secteur de la santé en première ligne dans la guerre contre le coronavirus.
« Nous étions dans une situation d’une extrême pénibilité »
« Beaucoup de choses n’ont pas été faites, après ce que nous avons vécu tous ensemble, le peuple algérien et particulièrement le personnel de la Santé. Les appels, le contrôle de situation, certaines situations fâcheuses, malveillantes, qui nous ont beaucoup perturbées. Nous étions au front, nous étions dans une situation d’une extrême pénibilité, surtout au moment où il y a eu les deux pics de la pandémie (été et automne 2020) » .
Le ministre a rappelé les « faits très malveillants dans certains établissements ou certaines informations, qui ont été ensuite corrigés probablement par une prise de conscience, mais aussi par les textes qui pénalisent certains actes », allusion aux agressions contre le personnel médical.
L’Algérie « classée 8e en matière de sécurité Covid-19 »
« Nous n’étions pas préparés, nous n’avions ni mieux ni moins fait que d’autres pays. On peut déjà dire que, étant donné nos moyens, nos structures et beaucoup de choses, nous avons quand même hissé notre pays. Je viens de lire que notre pays est classé à la huitième place en matière de sécurité Covid. Je n’ai pas la référence de ce classement, mais c’est toujours rassurant et réconfortant de savoir que nos chiffres, qui ce qu’ils sont, sont des chiffres qui nous mettent quand même dans une situation confortable », a expliqué le ministre.
Le Pr Benbouzid a comparé la situation épidémique en Algérie par rapport aux pays européens, aux États-Unis et l’Inde, durement touchés par la pandémie de Covid-19.
« Quand on voit ce qui se passe dans des pays très développés, qu’il s’agisse de l’Europe ou des États-Unis qui ont connu ça, du Pérou ou présentement de l’Inde, je dis Dieu merci. C’est grâce à dieu bien sûr, mais c’est aussi la population. Quoi qu’on dise les faits sont là, les chiffres sont là. »
Enfin, le ministre de la Santé lance un appel à « l’ensemble de la population et à mes collègues de façon à ce qu’ils agissent tous ensemble pour sensibiliser la population » afin de respecter les gestes barrières.
« Nous faisons aussi un appel à la presse et à la télévision et nous engageons un média planning de façon à sensibiliser encore notre population. Voilà ce qu’on fait, on le fera, on maintient la même vigilance, la même détermination. Nous avons un seul souci, c’est d’assurer la sécurité sanitaire de nos citoyens », a-t-il conclu.