C’est la grande purge au Palais royal saoudien. Depuis samedi soir, une vague sans précédent d’arrestations touche des princes, d’actuels et d’anciens ministres et même des chefs militaires. Ils sont tous accusés de corruption et de détournement de deniers publics.
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Selon des médias saoudiens, onze princes et quatre ministres actuels ont été interpellés dans la nuit de samedi à dimanche. Trente-cinq anciens ministres sont également concernés par « la rafle ».
Les interpellations ont débuté immédiatement après l’installation d’un comité de lutte contre la corruption présidé par le prince héritier Mohammed Bin Salman. Ce comité est doté de pouvoirs exceptionnels dont celui de lancer des mandats d’arrêt, de tracer les fonds, de geler et de dévoiler les comptes bancaires, de bloquer le transfert d’argent en dehors du pays, d’interdire le voyage à l’étranger et de « prendre toutes les décisions qui vont dans le sens de l’intérêt général et de la protection de l’argent public ».
Le milliardaire Bin Talal arrêté
Selon l’agence de presse saoudienne SPA, le comité peut également prendre toutes les mesures conservatoires comme celles de rapatrier les capitaux transférés à l’étranger et de saisir tous les biens détournés pour les reverser à l’État. « Le comité peut faire appel à des équipes d’investigation à tout moment en leur déléguant ses pouvoirs. À la fin de cette mission, le comité élabore un rapport détaillé à remettre au Roi », est-il précisé dans la décision royale. Visiblement, le comité se substitue à la justice réduite à un rôle d’exécution.
Plusieurs hauts responsables ont été démis de leurs fonctions comme Mouta’ab Bin Abdallah, ministre de la Garde nationale – remplacé par Khaled Ben Ayaaf- et le maréchal Abdallah Al Sultan, chef des forces navales. Fahd Al Ghafili a été nommé à ce poste alors que Mohammed Twijri succède à Adel Al Faqih au poste de ministre de l’Économie et du Plan.
Le milliardaire Walid Bin Talal, qui a commencé à adopter un ton critique ces derniers mois sur la conduite des affaires du Royaume et qui est l’un des principaux actionnaires de la chaîne américaine Fox News, d’Apple et de Citigroup, aurait été également mis aux arrêts dans la nuit de samedi dans des conditions encore imprécises. Il en est de même pour l’ancien ministre de l’Économie, Ibrahim Al Assaf.
La « baraka » des dignitaires religieux
Les dignitaires religieux ont donné leur « baraka » à la purge royale en estimant que « la lutte contre la corruption est aussi importante que le combat contre le terrorisme ».
Des avions privés auraient été empêchés de décoller des aéroports de Riyad et de Djeddah dans la nuit de samedi, selon plusieurs sites d’informations arabes.
Le roi Salman Bin Abdelaziz Al Saoud a donc donné carte blanche à l’ambitieux Mohammed Bin Salman, 31 ans, pour lancer la grande lessive dans le Royaume alors que le pays enregistre un effondrement des recettes pétrolières en raison de la chute des prix du baril du pétrole et un début de contestation sociale et politique.
Mohamed Bin Salman, qui a écarté son cousin Mohammed Bin Nayef du poste de premier responsable de la sécurité, semble préparer à cadence rapide le terrain à sa prise du pouvoir, soutenu par son père, 81 ans, et par Washington.
L’opération « mains propres » pourrait cacher une entreprise de règlement de compte politique contre tous les « opposants » du prince héritier. À la fin de l’été, Mohammed Bin Salman a ordonné l’arrestation de prédicateurs religieux et d’ intellectuels connus par leurs positions hostiles au futur Roi d’Arabie saoudite. Ils ont notamment dénoncé la volonté du prince héritier de privatiser plusieurs firmes publiques et de réduire l’aide de l’État aux plus démunis.
Le blocus contre le Qatar, accusé de « soutenir le terrorisme », a également été critiqué par les religieux et les intellectuels mis en prison, parfois dans des endroits tenus secrets. Cette opération a été couverte de silence médiatique.