Le professeur Mohamed Belhocine explique en quoi consiste la souche britannique de la maladie à coronavirus Covid-19 dont les premiers cas viennent d’être détectés en Algérie, émettant des recommandations sur les mesures à suivre pour s’en prémunir.
« Les mutations génétiques qui donnent naissance à ce qu’on appelle communément les variants sont un phénomène permanent chez les virus », affirme le professeur Belhocine dans une déclaration à TSA.
« Au début de la pandémie, il n’y avait pas beaucoup d’évolutions génétiques constatées. Mais à mesure que le nombre de cas a augmenté et que l’épidémie s’est étendue géographiquement, on a constaté dès le mois d’avril 2020 dans de nombreuses régions du monde l’apparition d’un variant qu’on a appelé ‘D614G’ qui a remplacé la souche d’origine du Sars-CoV-2. Ce variant a la caractéristique d’être plus transmissible et de faciliter la reproduction du virus chez l’Homme », fait-il savoir.
« En octobre 2020, le fameux ‘variant britannique’ a été détecté au Royaume-Uni. Il partage une ressemblance structurelle avec le variant ‘D614G’. Il est devenu rapidement la souche dominante au Royaume-Uni et s’est étendu dans plus de 80 pays dans le monde », explique l’éminent épidémiologiste, et membre du Comité scientifique chargé du suivi de l’épidémie de Covid-19 en Algérie.
« Nous sommes en train de découvrir en temps réel ces évolutions biologiques et scientifiques. C’est pourquoi les chercheurs parlent de ‘variants à l’étude’ ou de ‘variants préoccupants’. Lorsqu’un variant est détecté, trois questions se posent en pratique. Premièrement, est-ce qu’il est plus facilement transmis ? Deuxièmement, est-ce qu’il est plus virulent et entraîne une maladie plus grave ? Enfin, peut-il échapper à une immunité induite par la vaccination ? », interroge le professeur Belhocine, avant de répondre à chacune des trois interrogations.
« Par rapport à la première question, des enquêtes épidémiologiques indiquent que le variant britannique est 30 à 80 % plus efficacement transmis. Autrement dit, il est au moins deux fois plus contagieux et entraîne d’un autre côté une présence du virus dans le nez et la gorge bien plus élevée que la souche initiale du Sars-CoV-2 », signale le professeur Belhocine, ajoutant qu’« en ce qui concerne la virulence, des études d’observation rétrospectives laissent penser que le risque de décès associé à ce variant est plus élevé que par rapport à la souche originelle, de l’ordre de 30 % ».
« Enfin, en ce qui concerne l’immunité induite par le vaccin, il y a deux études récentes qui tendent à montrer que les vaccins conservent une efficacité globale autour de 60 % et plus contre les nouveaux variants, c’est-à-dire que sur la souche d’origine, les taux d’efficacité affichés par les différents vaccins restent valables mais même lorsqu’on donne ces vaccins dans des situations où ce sont les variants qui sont prédominants dans la population, on reste avec un taux d’efficacité vaccinale qui est de plus de 60 % », souligne Mohamed Belhocine.
Ce qu’il faut faire en attendant une couverture vaccinale suffisante
Le professeur précise que « des études sont déjà en cours actuellement pour la mise au point d’un vaccin polyvalent qui serait efficace contre la plupart des variants connus et qui serait éventuellement modifié au fur et à mesure des mutations. On se retrouverait dans le même cas de figure que ce que l’on connaît couramment avec la grippe saisonnière ».
« L’émergence de ce variant est susceptible de devenir un phénomène courant jusqu’à ce que la propagation soit réduite. C’est un défi pour notre société et notre système de santé. Cela souligne plus que jamais l’importance d’une approche globale à la fois de la surveillance épidémiologique et virologique, du suivi des malades et du déploiement des vaccins », explique le professeur Belhocine.
« En attendant l’atteinte d’un taux de couverture vaccinal suffisant dans le monde et dans notre pays, la panoplie de mesures mises en place depuis le début de l’épidémie doit continuer d’être utilisée en fonction des situations », estime-t-il en outre, évoquant en particulier « le confinement ciblé plus ou moins rigoureux, les protocoles sanitaires spécifiques à différents secteurs, le contrôle strict des points d’entrée aux frontières et, à l’échelle individuelle et par-dessus tout, du respect des mesures barrières ».
« Le port du masque, l’hygiène des mains et le respect de la distanciation physique sauvent des vies. Ceci devrait s’avérer encore plus vrai avec le risque potentiel causé par l’apparition du variant britannique dans notre pays », conclut le professeur Belhocine.