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Vendredi 116 : le Hirak change d’itinéraire, mais garde le cap

Vendredi 116 : le Hirak change d’itinéraire, mais garde le cap

Les Algériens ont manifesté ce vendredi 7 mai à Alger, et dans d’autres villes du pays, pour le 116e acte du Hirak populaire. Les manifestants en provenance des quartiers de Bab El Oued et de la Casbah ont surpris tout le monde en changeant pour la première fois d’itinéraire.

De nombreuses autres manifestations sont signalées à travers le pays, à Annaba, Constantine, Tizi-Ouzou, Béjaïa, Tlemcen… Même à Oran, où la marche est systématiquement empêchée depuis trois vendredis, de nombreux citoyens ont tenté de manifester, mais de nouveau bloqués par un impressionnant dispositif policier qui a encerclé la place du 1er-Novembre, au centre-ville.

Mais c’est, comme d’habitude, dans la capitale que la mobilisation est impressionnante. Elle l’est d’autant plus ce vendredi que la manifestation survient dans un contexte de durcissement de la posture du pouvoir vis-à-vis du mouvement populaire par l’empêchement de nombreuses manifestations de rue ou l’arrestation et l’emprisonnement de manifestants et d’activistes.

La marche des étudiants a été empêchée pendant ces deux derniers mardis et des dizaines de manifestants sont interpellés à chaque fois, dont certains finissent incarcérés et inculpés.

Selon un décompte du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), près de 75 activistes et manifestants purgent des peines de prison ou sont incarcérés dans l’attente de leur jugement. La plupart ont été arrêtés pendant le mois d’avril dernier.

Comme de coutume, c’est de Bab El Oued, de la Casbah et de tous les quartiers ouest d’Alger qu’est venue une immense déferlante juste après la fin de la prière du vendredi.

La foule est compacte. La vague a emprunté l’itinéraire habituel, Bab El Oued, Place des Martyrs, rue Zighout-Youcef (front de mer). Jusqu’à la rue Hocine-Asselah, rien d’anormal.

Arrivés à hauteur du carrefour de la Grande-Poste, les manifestants changent subitement de direction, prenant de court tout le monde, les forces de l’ordre en premier.

Au lieu de remonter vers l’esplanade de la Poste, où la police était déployée en grand nombre, les manifestants décident de continuer tout droit, vers le boulevard Amirouche.

De là, ils ne remontent pas vers le haut lieu habituel du Hirak, la rue Didouche-Mourad, mais foncent toujours devant vers la rue Hassiba Benbouali, l’une des plus longues artères de la capitale. Ils l’arpenteront jusqu’à la fin, dans les alentours du Jardin d’essais, près de l’autre quartier populaire de Belcourt.

Une marche et beaucoup d’enseignements

C’est là que les manifestants se disperseront dans le calme en fin de journée, avec cependant quelques actes de répression, comme ceux de vendredi dernier.

A la place du 1er-Mai, la déferlante a rencontré celle des quartiers est d’Alger, Belcourt, Ruisseau, El Harrach, devenant encore plus impressionnante. L’endroit pourrait devenir la nouvelle place forte du Hirak, même si celui-ci est décidément imprévisible.

Plusieurs enseignements sont à tirer dans cette énième journée du Hirak. Il y a d’abord cette mobilisation qui survient dans un contexte de répression, d’empêchement de marches, d’arrestations et d’incarcérations, ce qui traduit une très forte détermination.

Une détermination significative quand on sait que les manifestants, des dizaines de milliers au moins, ont marché d’un quartier populaire à un autre sur plusieurs kilomètres, sous une forte chaleur et en plein ramadan.

« Oualah marana habsine » (On ne s’arrêtera pas), était l’un des refrains les plus entonnés. Les manifestants n’avaient à vrai dire pas besoin de le chanter.

En changeant d’itinéraire, ils ont voulu sans doute éviter tout éventuel accrochage avec les forces de l’ordre, déployées en force dans les alentours de la Grande-Poste et de la place Audin.

Le message ainsi envoyé est clair : le Hirak tient à sa vertu première, le pacifisme. Le slogan « silmya » est d’ailleurs fortement présent dans la manifestation de ce vendredi 116, scandé par les manifestants ou brandi sur des pancartes.

Le Hirak a aussi démontré qu’il a des ressorts et dispose d’une incroyable faculté à s’adapter et à s’organiser, contrairement à ce que l’on pourrait penser d’un mouvement qui ne dispose ni de tête ni de structures.

Le changement d’itinéraire a également révélé la force de la vague des quartiers du centre d’Alger, longtemps éclipsée par celle de Casbah-Bab El Oued. Alors que celle-ci se dirigeait vers sa nouvelle destination, une partie de la rue Didouche était noire de monde.

Enfin, même si le Hirak a changé d’itinéraire, il n’a pas changé de cap, gardant de vue toutes ses revendications et ses mots d’ordre, notamment le rejet des élections législatives du 12 juin prochain et le soutien à tous les détenus d’opinion.

Les manifestants ont aussi eu une pensée pour les étudiants, empêchés de marcher pendant deux mardis de suite, et les agents de la Protection civile qui mènent un mouvement de protestation pour réclamer l’amélioration de leurs conditions socio-professionnelles.

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