Impopulaire, à la tête d’un pays ruiné et cerné par les sanctions internationales: le président Nicolas Maduro, toujours plus isolé diplomatiquement, s’est remis en selle en donnant le coup d’envoi d’une campagne présidentielle qu’il entend bien gagner.
« On va gagner les élections présidentielles et on va nettoyer », a clamé mercredi le successeur d’Hugo Chavez (1999-2013).
Aux récentes sanctions de l’UE, un gel des avoirs et une interdiction des visas européens pour des hauts dirigeants vénézuéliens, Caracas a répondu par un pied de nez: avancer la date du scrutin, prévu fin 2018, prenant de court une opposition divisée et affaiblie. Le scrutin devra avoir lieu avant le 30 avril.
Mercredi, au lendemain de cette annonce surprise de la toute puissante Assemblée constituante, la télévision d’Etat diffusait des images qui exaltent l’action du dirigeant socialiste.
En attendant que le Conseil national électoral (CNE), accusé de servir le pouvoir par l’opposition, fixe la date de la présidentielle, le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2013, est impatient d’en découdre: « si ça ne tenait qu’à moi, elle (l’élection) aurait lieu ce dimanche ».
Depuis mardi, la communauté internationale condamne la décision du pouvoir vénézuélien. Ce vote « ne serait pas le reflet de la volonté des Vénézuéliens, et serait perçu par la communauté internationale comme étant antidémocratique et illégitime », a dénoncé mercredi Washington, qui a également infligé des sanctions à Caracas l’été dernier.
Qualifiant Maduro de « dictateur », les Etats-Unis, suivis par le Canada, ont gelé ses avoirs et interdit à leurs banques et à leurs citoyens d’acheter de nouvelles obligations ou de négocier des accords avec le gouvernement vénézuélien.
En Amérique latine, le Venezuela, autrefois soutenu par les gouvernements de gauche apparaît bien seul après le virage régional à droite.
A la condamnation des douze pays latino-américains du Groupe de Lima, vient s’ajouter le retrait du Mexique, facilitateur des négociations entre le gouvernement et l’opposition, de la table des discussions à Saint-Domingue. Les modalités et la date du prochain scrutin présidentiel étaient au coeur des discussions.
– Chine et Russie –
« Tout cela est au prix d’un isolement international accru, ce que le gouvernement (vénézuélien) est prêt à accepter afin de conserver son pouvoir », juge le cabinet d’analyse Eurasia group.
Malgré la levée de boucliers internationale et les voyants économiques au rouge vif, Maduro, 55 ans, tient bon, en partie grâce au soutien de puissants alliés, la Russie et la Chine.
Car le Venezuela, qui fut le pays le plus riche d’Amérique latine, a un atout de poids: les plus grosses réserves pétrolières de la planète. Et la remontée de l’or noir, qui a terminé mercredi à ses plus hauts niveaux depuis 2014 à New York et à Londres, vient renforcer la marge de manoeuvre de Caracas.
Hautement impopulaire, avec à peine 30% d’opinions favorables, selon le cabinet Delphos, Maduro peut compter sur un contrôle de tous les pouvoirs, associé à une alliance de fait avec les militaires, qui occupent une place importante au sommet de l’Etat.
Le Parlement, seule institution dirigée par l’opposition, a été privée de ses compétences par l’Assemblée constituante, composée uniquement de partisans de Nicolas Maduro aux ordres et rejetée par la communauté internationale.
Avant de pourvoir participer à la présidentielle, la Constituante demande aux trois principaux partis de la coalition d’opposition (MUD) de se réinscrire auprès des autorités électorales pour avoir boycotté les municipales du 10 décembre. Pour cela, ils devront présenter les signatures de 0,5% des inscrits dans au moins 12 Etats.
« Avec les mêmes conditions électorales, les fractures de l’opposition (…), le résultat pourrait être identique à celui des régionales », marquées par le triomphe du camp présidentiel, prévient l’analyste Luis Vicente Leon.
Pour faire face à la pénurie d’aliments, qui a atteint des pics de 80%, le chef de l’Etat a lancé en 2016 un programme d’aliments subventionnés destinés aux zones populaires, touchant ainsi six millions de familles.
Mais pour accéder à ce programme, le « carnet de la Patrie », carte dotée d’un code qui permet à la fois de voter et de bénéficier des programmes sociaux, est indispensable. L’opposition voit dans ce document, remis à 16 millions de personnes, un mécanisme de contrôle social.
Dans un tel contexte, estime Félix Seijas du cabinet Delphos, Nicolas Maduro a toutes les chances « de remporter l’élection » présidentielle.