Nicolas Maduro commence son second mandat de président du Venezuela pour six ans, après une victoire électorale décriée par l’opposition et la communauté internationale, mais des experts évoquent malgré tout l’espoir d’un changement politique.
Car est entré dans le jeu Juan Guaido, ingénieur dans l’industrie de 35 ans qui est devenu le visage de l’opposition vénézuélienne en prenant le 5 janvier la présidence du Parlement. Une bouffée d’oxygène pour une institution quasiment dépossédée de tout pouvoir par les manoeuvres constitutionnelles de M. Maduro.
« C’est presque une renaissance. L’opposition en est ressortie plus unifiée que jamais auparavant », relève Geoff Ramsey, vice-président chargé du Venezuela au WOLA, un centre de recherches latino-américain basé à Washington.
« Pour la première fois en de nombreux mois (…) Maduro est sur la défensive », a écrit Andres Oppenheimer, un journaliste respecté spécialiste de l’Amérique latine.
En quelques semaines à peine, Juan Guaido est parvenu à ce que l’Assemblée nationale qualifie le président Maduro d’usurpateur et sa réélection de fraude, tout en promettant une « amnistie » aux responsables gouvernementaux et militaires qui désavoueraient l’homme fort de Caracas.
Un exploit que ses prédécesseurs n’étaient pas parvenus à accomplir, finissant pour certains en exil ou en prison.
Et le jeune dirigeant a relevé un peu plus encore les enjeux dans une tribune mardi au quotidien américain The Washington Post. Il a invoqué des articles de la Constitution appelant les Vénézuéliens à rejeter les régimes ne respectant pas les valeurs démocratiques.
Il s’est dit « tout à fait en mesure et désireux d’occuper les fonctions de président par intérim afin d’organiser des élections libres et justes ».
Pour Michael Shifter, directeur du groupe de réflexion Inter-American Dialogue, le président du Parlement dispose légalement du droit de chasser M. Maduro du pouvoir.
« Ce qu’il se passe au Venezuela n’est pas un coup d’Etat », estime-t-il. « L’Assemblée nationale et son chef actuel Guaido sont totalement légitimes et ont la législation et la Constitution de leur côté. »
Mais, ajoute-t-il, la nouvelle vigueur de l’opposition pourrait bientôt être mise à l’épreuve.
Face à une Cour suprême composée en majorité de fidèles du régime qui annule toute ses décisions, le Parlement dispose de trois piliers potentiels, relève Michael Matera, directeur du Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS).
« Le soutien de l’armée, de la population vénézuélienne et de la communauté internationale sera essentiel pour permettre à Guaido d’occuper officiellement (le poste) de président et de se glisser dans un rôle auquel Manduro tente actuellement de s’accrocher de manière illégitime », relève-t-il.
Dans cette optique, l’Assemblée nationale a audacieusement tendu la main vers l’armée, promettant d’accorder une amnistie à tous ceux qui soutiendraient un retour à l’ordre constitutionnel.
Mais Juan Guaido aura également besoin que les partisans modérés d’Hugo Chavez, prédécesseur défunt de M. Maduro, changent de camp et lui apportent leur soutien, selon M. Ramsey.
La pression internationale sur Caracas enfle depuis la réélection en mai de celui qui tient le pouvoir d’une main de fer mais elle s’est accentuée après l’arrivée de l’extrême droite aux commandes du Brésil: le populiste Jair Bolsonaro partage l’avis de son homologue américain Donald Trump selon lequel Nicolas Maduro est un « dictateur ».
En retour, ce dernier l’a qualifié d' »Hitler des temps modernes ».
Le dirigeant brésilien a rencontré jeudi à Brasilia le président en exil de la Cour suprême vénézuélienne Miguel Angel Martin, nommé par le Parlement. Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro, qui considère Juan Guaido « président par intérim », était présent.
Et le ministre brésilien des Affaires étrangères Ernesto Araujo rencontrait le même jour des opposants vénézuéliens ainsi que des représentants des Etats-Unis et du Groupe de Lima, formé de quatorze pays du continent américain.
A l’issue de cette rencontre, le ministère a exprimé la volonté du Brésil d’aider la « présidence par intérim » de M. Guaido.
Même si Nicolas Maduro compte quelques alliés en Amérique latine et dans le monde, la majorité de la communauté internationale saluerait une transition démocratique au Venezuela, d’après M. Shifter.
Selon lui, « ce processus doit être géré avec habileté et beaucoup de lucidité sur les obstacles qui se dressent sur le chemin ».