D’une pierre deux coups: Washington a annoncé jeudi des sanctions contre la Chine pour l’achat d’armes russes, adressant ainsi un message à ceux qui soupçonnent Donald Trump d’être complaisant avec Moscou, mais aussi à Pékin, en plein bras de fer commercial.
Il s’agit des premières sanctions contre un gouvernement étranger pour l’acquisition de matériel de défense auprès de la Russie.
« C’est une étape importante » pour punir les « activités malveillantes » de la Russie, dont l’ingérence dans les élections américaines, l’annexion de la Crimée et son attitude en Ukraine, a déclaré à la presse un responsable américain.
Ces mesures ont été prises dans le cadre d’une loi adoptée l’an dernier à une écrasante majorité par le Congrès américain, mais ratifiée à contre-coeur par le président Donald Trump, soucieux de tenter de se rapprocher de la Russie de Vladimir Poutine, comme promis durant sa campagne électorale.
Lorsqu’une première échéance pour annoncer des sanctions contre les pays qui concluent des contrats d’armement avec Moscou était tombée, fin janvier, le département d’Etat américain avait toutefois renoncé à imposer des mesures punitives, assurant que l’effet dissuasif de la loi avait fonctionné.
Cette absence de sanctions avait été vivement critiquée par de nombreux parlementaires des deux bords.
Jeudi, le gouvernement américain a donc placé 33 nouveaux individus et entités russes, dans les secteurs militaire et du renseignement, sur sa liste noire des personnes avec lesquelles toute transaction est interdite en matière d’armement sous peine de sanctions américaines, a annoncé la porte-parole du département d’Etat Heather Nauert dans un communiqué. Cette liste comprend désormais 72 individus et entités, dont les principales sociétés d’armement russes.
Parmi les nouveaux venus, Igor Korobov, le patron du GRU, le renseignement militaire russe, l’organisation paramilitaire PMC Wagner et son financier Evguéni Prigojine, un homme d’affaires proche du président Poutine, l’usine d’aviation de Komsomolsk-sur-Amour, productrice des avions Soukhoï, ou encore l’Internet Research Agency, accusée d’avoir fait de la propagande durant la campagne présidentielle américaine.
La plupart étaient déjà sanctionnés, voire inculpés aux Etats-Unis dans le cadre de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence électorale.
Parallèlement, Washington a imposé des sanctions financières ciblées contre une unité-clé du ministère chinois de la Défense, Equipment Development Department, et son directeur, Li Shangfu, pour l’achat d’avions de combat Soukhoï Su-35 fin 2017 et d’équipement lié au système de défense antiaérienne russe S-400 début 2018.
– Pékin, « plus grande menace » –
Ces premières sanctions sont un avertissement pour d’autres pays, notamment la Turquie, alliée de Washington, mais engagée dans l’acquisition de S-400.
« La cible finale de ces sanctions est la Russie », il ne s’agit « de saper la défense d’aucun pays en particulier », a assuré le responsable américain.
Mais le choix de la Chine ne semble pas anodin au moment où l’administration Trump durcit le ton à l’égard de Pékin, en augmentant les droits de douane américains.
Mardi, Donald Trump avait déjà accusé la Chine d’essayer d’influencer les élections américaines en ciblant sa base électorale –« nos agriculteurs, nos éleveurs et nos ouvriers »– dans la guerre commerciale en cours.
Et mercredi soir, dans un entretien avec la chaîne Fox News, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a utilisé des mots inhabituellement durs au sujet des autorités chinoises.
« C’est un gouvernement qui n’est pas transparent, qui est très centralisé. Il traite notre propriété intellectuelle de manière horrible, il traite ses minorités religieuses de manière horrible », a-t-il estimé, alors que des parlementaires américaines ont appelé à sanctionner des responsables chinois impliqués dans l’internement de membres de la minorité musulmane ouïghoure dans le nord-ouest de la Chine.
Prié de dire qui, de Moscou ou de Pékin, représente la plus grande menace pour les intérêts économiques et stratégiques des Etats-Unis, le chef de la diplomatie américaine n’a pas semblé hésiter: « La Russie est agressive, la Russie tente de s’ingérer dans nos élections », « mais sur le long terme, si on parle de ce qui menace les revenus des Américains, qui menace vraiment la croissance économique américaine, la Chine représente, et de loin, la plus grande menace pour les Etats-Unis ».