En deux semaines, trois épisodes de vents de sable du Sahara ont atteint plusieurs pays européens, dont la France. L’intensité de ces vents est telle que le ciel prenait une couleur ocre durant la journée puis orangée au coucher du soleil. Les pare-brises des automobiles gardent encore la trace de ces événements. Des sables qui seraient radioactifs.

Le 6 avril dernier, les services de Météo France avertissaient que durant le week-end, la quasi-totalité de l’Hexagone devait être traversée par des nuages de sable saharien.

La presse française a mis en ligne des photos de pistes de ski avec de la neige recouverte de poussière saharienne et teintée d’ocre ou de voitures recouvertes de cette fine poussière.

Le quotidien Le Parisien a rapporté des témoignages tels que celui de ce passionné de phénomènes météo extrêmes qui déclarait : « 4.000 mg (de particules/m2) la semaine dernière, c’était du jamais-vu ! Et on en attend autant ».

Vent de « sable » sur la France : pourquoi c’est une perte pour l’Algérie ?

Le terme de « vent de sable » est souvent utilisé de façon inexacte. Selon la classification utilisée par les géologues, les particules transportées en Europe par les vents d’altitude sont des limons, selon une analyse effectuée par l’École Nationale Supérieure de Lyon (ENS).

Observées au microscope, il apparaît que la taille de ces particules varie seulement entre 2 et 20 micromètres contre au-delà de 20 concernant le sable.

Pour les agronomes, le limon est la partie la plus fertile des éléments constituant le sol. C’est donc une grande perte pour l’Algérie. Ces sables faiblement radioactifs sont fertilisants pour la France.

Des poussières radioactives

Ce type de poussières en provenance du Sahara présente un certain niveau de radioactivité. Début avril, dans un communiqué, l’Institut français de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) revenait sur l’épisode des 29 et 30 mars 2024 : « Les conditions météorologiques ont conduit à l’arrivée, sur le Sud-Est de la France, de masses d’air venant du Sahara. Ces sables contiennent, comme tous les sols de l’hémisphère Nord, du césium 137 (Cs-137) provenant des retombées des essais nucléaires atmosphériques réalisés par les grandes puissances dans les années 60 ».

De 1960 à 1961, ce sont, en effet, 4 essais nucléaires aériens qui ont été réalisés par la France à Reggane dans le Sahara en Algérie.

Dans son communiqué, l’IRSN indiquait son intention de publier les résultats de ces mesures « dès qu’ils seront disponibles » et affirmait : « Comme lors des épisodes similaires précédents, les niveaux de radioactivité dans l’air attendus suite à cet événement, devraient être très faibles et sans impact sur la santé ».

À l’occasion de précédents épisodes de sables sahariens sur la France, notamment en février 2021, l’IRSN avait publié les tendances des mesures réalisées : « Si les activités volumiques en Cs-137 mesurées en ce début de mois de février 2021 sont supérieures aux valeurs moyennes habituellement relevées, elles n’en restent pas moins inférieures à celles d’un épisode similaire survenu en février 2004 où des niveaux allant jusqu’à 4,5 µBq/m3 avaient été relevés en métropole ».

Césium 137, présent durant 300 ans

L’IRSN ajoutait également : « On peut aussi les comparer aux valeurs maximales observées en France à la suite de l’accident de Fukushima (de l’ordre de 100 à 200 µBq/m3) ou encore lors de l’accident de Tchernobyl (7 Bq/m3) ».

Selon une monographie de l’université de Genève, le césium 137 présente une demi-vie physique de 30 ans : « Il va continuer à nuire pendant plus d’un siècle, et il faudra attendre environ 300 ans pour qu’il ait complètement disparu de l’environnement, par décomposition spontanée ».

Une fois absorbée par un organisme vivant, « sa demi-vie biologique est beaucoup plus courte : environ 100 jours », indique la même source : « Si quelqu’un est contaminé par du césium 137, la moitié sera éliminée du corps humain après 100 jours. Puis la moitié de ce qui reste les 100 jours suivants, et ainsi de suite. »

La monographie indique ainsi « qu’après 3 ans, tout aura disparu, pour autant que cette personne ne se soit pas contaminée à nouveau entre-temps » et conclut : « Comme le césium émet des radiations qui sont nuisibles pour les êtres vivants, il faut l’éviter dans la mesure du possible ».

Pour sa part, l’IRSN rappelle la dangerosité de cet élément radioactif chez l’homme : « Le 137 Cs induit une atteinte du système immunitaire, des malformations congénitales ainsi que des troubles neurologiques », ajoutant que les enfants « soient plus sensibles aux effets toxiques du 137 Cs que les adultes ».

Essais nucléaires français en Algérie : Le principe du « pollueur-payeur »

Dans ses conclusions, l’IRSN reste peu alarmiste. Lors de l’accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl, les communiqués des services météorologiques français avaient pu laisser croire que le nuage radioactif n’avait pas concerné le territoire français. Cette situation avait été démentie à la suite des mesures réalisées.

Les mesures de l’IRSN sont réalisées au niveau de filtres disposés en France au niveau de différentes régions. Il reste cependant à mesurer la quantité de radioactivité occasionnée par les dépôts des poussières sahariennes.

Une simple observation au niveau des véhicules montre une accumulation de ces poussières au bas des pare-brises. Qu’en est-il au fond des réservoirs recevant les eaux de pluies et donc les poussières ainsi collectées.

La logique voudrait que des mesures soient effectuées au niveau de ces lieux d’accumulation des poussières et notamment des cendres issues de la combustion des végétaux. Les cendres sont connues pour concentrer les éléments radioactifs absorbés par les plantes.

L’existence de cette radioactivité résiduelle amène à se poser la question de la dépollution des sols sahariens contaminés par les retombées des essais nucléaires menés par la France. En la matière, le principe qui a généralement cours est celui du « pollueur-payeur ».

L’Algérie réclame de la France une reconnaissance et des indemnisations des effets des essais nucléaires qu’elle a effectués dans son Sahara, a indiqué en décembre dernier le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Elle réclame aussi la dépollution des sites nucléaires.

Baptisé Gerboise bleue, le premier essai nucléaire français en Algérie a eu lieu le 13 février 1960 dans la région de Reggane.

Une bombe de 70 kilotonnes, près de six fois supérieure à celle d’Hiroshima au Japon, avait été testée et a permis à la France d’accéder au club des pays détenteurs de l’arme atomique.

La France a opéré 17 essais nucléaires dans le Sahara algérien, y compris après l’indépendance de l’Algérie en 1962.

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