En Algérie, les prix des viandes reste élevés par rapport au pouvoir d’achat des ménages. Pour le poulet, il est cédé à 400 DA le kilo. Pour la viande rouge, son prix oscille entre 2.400 et 2.800 dinars le kilo.
Un consommateur confie à Ennahar TV : « Le consommateur ne peut pas acheter de viande. Comment pourrait-il en acheter ? Il ne lui reste que le poulet. La viande (rouge) c’est fini. » Un autre confie : « La viande est devenue une friandise. »
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La demande en viande blanche et rouge est telle que les pouvoirs publics ont interdit l’abattage des vaches laitières et des brebis. Lorsque le poste alimentation pèse trop lourd dans le portefeuille des Algériens, les éleveurs ont tendance à décapitaliser en vendant une partie de leur cheptel.
Les prix élevés de la viande rouge ont de multiples causes : ponction des intermédiaires, sécheresse, envolée du prix du maïs et du soja, mais également archaïsme des techniques d’élevage.
Prix en hausse et intermédiaires
La stratégie des services agricoles consiste à initier des échanges triangulaires entre l’Office national du bétail (ONAB), les éleveurs et les abattoirs gérés par la société algérienne des viandes rouges (Alviar).
L’office approvisionne à des prix réglementés les éleveurs qui s’engagent à vendre leurs animaux aux abattoirs de l’Alviar. Il est trop tôt pour tirer un bilan. Cependant, en favorisant des circuits courts, Alviar agit ainsi sur les prix.
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Cela a été le cas lors du dernier mois de Ramadan. L’ouverture de points de vente Alviar a été particulièrement bien accueillie par les consommateurs algériens.
On peut se demander de quelle façon les éleveurs de moutons pourraient procéder à leur niveau à de la vente directe à partir de carcasses d’animaux provenant d’abattoirs agréés.
A l’étranger, les progrès de l’emballage plastique sous vide et l’existence de remorques réfrigérées munies de comptoirs de vente rendent possible la présence des éleveurs sur les marchés hebdomadaires.
La disponibilité en orge et en son
Les services agricoles sont conscients de l’importance de l’orge et du son, aussi veillent-ils à assurer une plus grande disponibilité de ces produits. Depuis l’année passée, des facilités sont accordées aux producteurs d’orge livrant leur récolte aux Coopératives de céréales et de légumes secs.
Celles-ci ont relevé le prix de l’orge acheté aux producteurs, le quintal passe de 2.500 à 3.400 DA. Quant aux agriculteurs recevant des aides publiques, depuis peu, ils ont obligation de livrer leur récolte aux CCLS.
Concernant le son de blé, les minoteries ont obligation de vendre une partie de leur production au prix réglementé de 1.800 DA le quintal contre 4.700 DA sur le marché libre. Au mois de juin, l’APS avait indiqué que le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni, souhaitait arriver à ce que 60 % du son produit par les minoteries soit vendu à prix réglementé.
Les quantités en jeu sont considérables lorsqu’on tient compte des millions de quintaux de blé concernés. Chaque quintal de blé passant entre les meules d’un moulin laisse en moyenne 25 kg de son.
L’actuelle opération d’identification en cours du cheptel ovin vise également à assurer une plus grande transparence dans la distribution d’orge et de son à prix réglementé.
Les témoignages recueillis auprès des éleveurs montrent une réelle adhésion à cette opération. A l’étranger, les boucles d’identification sont apposées à chaque animal dès son plus jeune âge et sont obligatoires lors de tout déplacement.
Épandre de l’engrais sur les jachères pâturées
On peut se demander s’il est possible de produire plus de fourrages en Algérie ? La wilaya d’El Ménéa montre la voie avec la production de maïs fourrage récolté sous forme hachée et ensilé dans des balles enrubannées d’une tonne chacune. Mais, il s’agit là d’un fourrage produit par extraction intensive de l’eau des nappes souterraines.
Depuis plusieurs années, la recherche agronomique locale propose des solutions alternatives. Celles-ci demandant peu de moyens. Les chercheurs Abdelguerfi Aïssa et Abbas Khaled suggèrent de fertiliser les terres en jachère pâturées à l’aide d’engrais azotés. Avantage ? L’azote est extrêmement soluble. Aussi, ces épandages ne nécessitent aucun travail du sol.
Cependant, Asmidal profite de l’envolée des cours sur le marché mondial pour exporter une partie de sa production d’urée.
En novembre 2021, Souad Abdallah, la représentante de Sorfert Algérie, annonçait à l’APS une première exportation à partir du port d’Arzew de 5.500 tonnes d’urée granulée dans « le cadre d’une vente globale de 20.000 tonnes. »
L’urée fabriquée en Algérie, un produit stratégique
Utiliser les engrais azotés est également essentiel à la culture du blé. Les agriculteurs ont d’ailleurs applaudi la récente décision des pouvoirs publics de prendre en charge 50 % du prix des engrais.
L’urée apparaît donc comme un produit stratégique pour les cultures. Elle l’est également pour l’élevage des ruminants. Dans les années 1970, confrontés au brusque arrêt des exportations américaines de soja, des agronomes français ont ajouté aux rations des vaches et moutons de l’urée.
La panse des ruminants comporte une microflore capable d’utiliser cette source d’azote. Bien que cette technique ait été adaptée aux conditions locales, les résultats de ces travaux dorment sur les rayons des bibliothèques de nos universités.
Les éleveurs livrés à eux-mêmes
Afin de rapprocher les chercheurs des utilisateurs potentiels, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique demande dorénavant qu’une partie des futurs projets de recherche s’appuie sur des partenaires industriels.
Actuellement, livrés à eux-mêmes, les éleveurs innovent à leur façon. Ils utilisent de l’orge aplatie afin qu’elle soit mieux assimilée par les animaux. D’autres font germer durant 7 jours les grains d’orge avant de les donner aux animaux.
En Tunisie, les chercheurs essayent d’introduire dans les rations des feuilles d’oliviers, raquettes d’opuntia, arbustes fourragers et sous-produits des industries agro-alimentaires comme les grignons d’olives ou la mélasse de l’industrie sucrière. Isolé, un sous-produit a peu de valeur nutritive, mais associé à d’autres, l’ensemble peut assurer les besoins d’entretien des moutons.
Élevage, persistance du pilotage à vue
Longtemps, l’élevage ovin a connu un pilotage à vue. Les tentatives d’échanges triangulaires et d’identification du cheptel constituent une avancée.
Il existe de réelles réserves de productivité dont certaines avec des résultats immédiats telle l’utilisation multiple de l’urée ou la synchronisation des naissances des agneaux.
De son côté, le Haut-commissariat au développement de la steppe a de nombreuses réalisations à son actif : équipement de points d’eau par énergie solaire, mise en défense des parcours. Les soins vétérinaires ont par ailleurs largement progressé.
A plus longue échéance, le réchauffement climatique nous imposera de reconsidérer notre consommation de viande au profit des protéines végétales. Selon les scénarios les plus pessimistes de la COP 27, la viande pourrait alors devenir réellement « une friandise ».