Troisième conférence de presse de Louisa Hanoune en cinq jours. L’heure est grave au Parti des travailleurs dont la direction est visée par une tentative de putsch menée par d’anciens cadres exclus du parti et d’autres qui « n’ont aucun lien » avec la formation politique, précise sa secrétaire générale.
Hier, samedi, ceux qui se réclament du « mouvement de redressement du PT » se sont réunis à l’hôtel Mazafran, à Alger, et ont procédé à la désignation d’un secrétaire général par intérim en remplacement de Louisa Hanoune.
Pourquoi ont-ils agi maintenant ? Qui est derrière eux ? Quelles sont leurs visées ? Lors d’un autre point de presse tenu ce dimanche 4 avril au siège national du parti à Alger, Mme Hanoune s’est limitée à faire des suppositions, se refusant d’accuser une quelconque partie, mais émet, elle aussi, d’autres interrogations.
« Qui a intérêt à détruire toutes les digues, tous les cadres d’organisation syndicale et associative capables d’empêcher l’avènement de l’irrémédiable ? Qui a intérêt à disloquer l’Algérie ? Qui a donné le feu vert politique à cette opération ? »
À ce stade, elle ne peut donc que s’interroger, même si elle dit clairement qu’ « on ne peut pas imaginer la wilaya d’Alger décider seule d’accorder l’autorisation pour la tenue de la réunion », ni croire que les initiateurs de l’opération ont le courage d’agir sans avoir « des soutiens ».
Autre question que Louisa Hanoune qualifie d’ « effrayante » : « La crise du système a-t-elle atteint le point du surgissement des forces centrifuges qui surgissent de l’intérieur de l’État comme en 1988, en 1991 et en 2001 ? »
Le plus important pour elle, c’est la suite que donneront les autorités à cette « opération criminelle ». Autrement dit, si les résolutions de la réunion de Mazafran sont validées, les conclusions ne seront pas difficiles à tirer.
« Si le ministère de l’Intérieur venait à valider cette opération illégale et criminelle et n’y mette pas fin tout de suite, il confirmerait qu’il s’agit d’une opération centrale dans le cadre d’une vengeance à l’encontre parti, de sa direction et de moi-même, traduisant une volonté de mettre au pas tous les partis et toute la société, c’est-à-dire l’officialisation de la marche vers le totalitarisme et du retour à la situation d’avant 1988, mais dans une situation très aggravée par la décomposition et la corruption politique », dit-elle.
« Ça a commencé avec Mehri en 1996 »
La SG du PT rappelle que tout cela n’a rien de nouveau pour son parti, victime de deux tentatives similaires ces dernières années. En 2015-2016, le PT a fait échec à un premier putsch. Et elle donne des noms et quelques détails : Saidani, Tliba, Bouchouareb, Bedoui, le siège de l’UGTA avait servi de QG pour l’opération, la chaîne Ennahar de « bras médiatique » et des sommes énormes avaient été mobilisés. Preuve qu’il y a une continuité du processus, 4 parmi les participants à la réunion de Mazafran avaient pris part à la tentative de « redressement » de 2015-2016, selon elle.
En 2019, elle dit avoir échappé à une « tentative d’enlèvement » avant d’être emprisonnée sur ordre de Gaïd Salah, alors chef d’état-major de l’ANP. « Ceux qui avaient fabriqué des preuves contre moi sont aujourd’hui en prison et condamnés à de lourdes peines », souligne-t-elle.
Si, en 2015-2016, on en voulait à Louisa Hanoune à « cause de la lettre des 19 » envoyée à Bouteflika pour s’assurer que c’était bien lui qui prenait les décisions à la tête de l’État, que peut-on lui reprocher cette fois ?
Pour nombre d’observateurs, le parti fait les frais de sa décision de boycotter les élections législatives du 12 juin prochain. Louisa Hanoune confirme presque qu’elle partage l’idée. « Quel crime a commis le Parti des travailleurs ? Le comité central a décidé de ne pas participer aux élections car il n’y voit pas une solution, même pas une revendication du peuple. En 1991, nous n’avons pas participé et le temps nous a malheureusement donné raison. Nous espérons que celles-ci ne déboucheront pas sur l’anarchie », dit-elle.
La SG du PT rappelle que ces « pratiques ont commencé » en Algérie avec « (feu) Abdelhamid Mehri (destitué de son poste de SG du FLN par un coup d’Etat dit scientifique en 1996, ndlr), puis se sont propagées comme une contagion. Ces 25 dernières années, c’est devenu une constante ».
Interrogée sur les suites judiciaires à donner à cette affaire, la SG du PT répète que tout dépendra de ce que décidera le ministère de l’Intérieur. Le comité central va se réunir et le collectif de défense du parti est prêt. « La balle est dans le camp des autorités. Elles sont responsables et comptables devant la nation et l’histoire », met en garde Mme Hanoune.