La joueuse de tennis algérienne Ines Ibbou a adressé ce samedi soir une lettre ouverte sous forme de vidéo au tennisman autrichien Dominic Thiem, numéro 3 mondial, qui a annoncé ne pas souhaiter participer au fonds de soutien pour les joueurs mal classés.
Les trois icones du tennis mondial, Novak Djokovic, Roger Federer et Rafael Nadal, ont proposé en avril de créer un fonds de soutien afin de venir en aide aux joueurs de tennis classés entre la 250ᵉ et la 700ᵉ place mondiale.
L’objectif de Djokovic, président du conseil des joueurs, est de donner 10.000 dollars à chacun de ces joueurs pour une somme totale de 4,5 millions de dollars. Pour ce faire, le Serbe propose de demander aux membres du top 100 en simple et du top 20 en double de contribuer en donnant entre 50 000 et 30 000 dollars selon un barème progressif.
En réaction, Dominic Thiem a indiqué le 26 avril dernier ne pas souhaiter participer à cette initiative, estimant que ces joueurs classés dans ces positions ne le méritent pas tous. « Aucun de ces joueurs mal classés ne lutte pour survivre », a estimé Dominic Thiem. « Toute l’année, j’en vois beaucoup qui ne donnent pas tout au tennis. Beaucoup ne sont pas très professionnels. Je ne vois pas pourquoi je devrais leur donner de l’argent », a-t-il affirmé, précisant que ce n’est pas une question d’argent.
« Je préfère donner à des gens ou des institutions qui en ont vraiment besoin. Aucun métier au monde ne vous garantit un gros succès au début de votre carrière. Aucun des top joueurs ne se considère comme arrivé, rien n’est assuré et nous devons nous battre continuellement pour notre classement », a souligné Thiem, qui a remporté près de 24 millions de dollars sur les courts de tennis depuis le début de sa carrière en 2011.
C’est dans ce contexte qu’intervient la lettre ouverte de la tenniswoman algérienne Ines Ibbou, classée 620ᵉ mondiale.
« Cher Dominic, après avoir lu ta dernière déclaration, je me suis demandé ce qu’aurait été ma carrière, et donc ma vie, si j’avais été à ta place. Je me suis imaginé ce que ça aurait été d’avoir des parents profs de tennis quand j’ai touché une raquette pour la première fois, à l’âge de 6 ans, et que j’en suis immédiatement tombée amoureuse. Comme j’ai grandi dans les environs d’Alger, dans une famille très modeste, avec des parents qui n’avaient absolument rien à voir avec le monde du tennis, je ne peux pas m’empêcher de penser que ça aurait pu m’aider. Mais je ne te le reproche pas », déclare la joueuse de tennis de 21 ans dans sa vidéo.
« Si j’avais fait partie de ton monde magique à l’époque, j’aurais probablement attiré l’attention de nombreux sponsors et la fédération aurait pris soin de moi. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Des sponsors, tu dis ? Adidas ? Nike ? Wilson ? Prince ? Head ? Ils n’existent même pas en Algérie ! À part quelques équipements et le soutien de petites entreprises locales, j’ai seulement reçu le minimum pour couvrir ma participation aux Grands Chelems juniors. Et tu sais, en Afrique, le budget pour un athlète finit rarement dans son compte en banque, si tu vois ce que je veux dire », poursuit Ines Ibbou.
« Cher Dominic, contrairement à toi, beaucoup partagent ma réalité. Juste un rappel : ce n’est pas grâce à ton argent qu’on a survécu jusqu’à présent, et personne ne t’a rien demandé. L’initiative est venue de joueurs généreux qui ont immédiatement fait preuve de compassion, avec classe. Des joueurs désireux de répandre de la solidarité et de trouver des solutions pour changer les choses. Des champions en toutes circonstances. Dominic, cette crise inattendue nous plonge dans une période délicate et révèle la véritable nature des gens. Aider les joueurs, c’est aider le tennis à survivre. Ce jeu est noble », affirme l’athlète algérienne.
« La signification du sport, c’est de distinguer les plus talentueux, les plus tenaces, les plus travailleurs, les plus courageux. À moins que tu ne veuilles jouer seul sur le court ? Dominic, je te l’ai dit, on ne t’a rien demandé. À part un peu de respect pour nos sacrifices. Des joueurs comme toi me font m’accrocher à mon rêve. S’il-te-plaît, ne gâche pas ça », conclut Ibbou.