Plus de 20 ans après avoir ouvert ses colonnes à la combattante algérienne Louisette Ighilahriz pour briser l’un des derniers tabous de la guerre d’Algérie, le journal français Le Monde revient sur le même thème, avec un autre format cette fois.
En juin 2020, un article signé par Florence Beaugé dans le quotidien français du soir a ouvert la boîte de Pandore. Louisette Ighilahriz, combattante algérienne pour l’indépendance, raconte à la journaliste comment elle a été torturée et violée par les parachutistes français pendant la Guerre de libération nationale.
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Si la torture qu’infligeaient les soldats français aux combattants algériens était connue de tous, depuis le moment même des faits, c’était en revanche la première fois que le tabou des viols était brisé. Louisette Ighilahriz a subi le supplice dans les locaux de la 10e division parachutiste du général Massu. C’était en 1957, pendant la bataille d’Alger. Elle avait 20 ans.
Louisette Ighilahriz a brisé le tabou des viols
La militante a été sauvée par un médecin militaire français dont elle n’a réussi à retrouver la trace qu’après son décès, en 1997. C’est lui qui l’a extirpée de ses tortionnaires en la faisant évacuer vers l’hôpital Maillot de Bab El Oued à Alger.
Louisette Ighilahriz a gardé le silence pendant plus de 40 ans, avant de décider de se débarrasser de ce qu’elle qualifie de « chape de plomb ». « Cet article a fait basculer ma vie », reconnaîtra-t-elle plus tard. En fait, l’article a aussi fait des vagues et suscité des réactions en chaîne tant en Algérie qu’en France où les acteurs de l’époque ont daigné enfin parler, dont Massu en personne.
Dans des témoignages ultérieurs, Louisette Ighilahriz révélera que des membres de sa famille, notamment son fils, et son entourage n’ont pas apprécié qu’elle parle de cet épisode. Y compris les anciennes combattantes qui ont subi le même sort qu’elle et qui souhaitaient que tout cela continue à être gardé secret.
Des dépôts de plainte ont été effectués, y compris par des organisations françaises, mais aucun coupable n’a rendu compte de ses actes devant la justice.
Deux décennies après la publication de ce témoignage-clé, Le Monde retrace l’histoire de la militante algérienne dans un film d’animation. Intitulé « Louisette ou le dernier tabou de la guerre d’Algérie », le film est produit en partenariat avec « La Revue Dessinée ». Le film reproduit le témoignage. Il s’agit d’un court métrage écrit par la même journaliste, Florence Beaugé, et mis en scène et dessiné par le dessinateur de presse Aurel.