L’Europe se referme au nom de la lutte contre les flux migratoires. Conséquence, le visa Schengen, qui donne accès à 26 pays du vieux continent, est de plus en plus difficile à obtenir.
La politique de délivrance adoptée par les pays de cet espace, qui privilégie certaines catégories de demandeurs, a fait que le visa touristique est encore plus inaccessible, particulièrement pour ceux qui le sollicitent pour la première fois. C’est notamment le cas pour les primo-demandeurs algériens.
Le visa est pour les pays d’Europe un outil de régulation des flux migratoires, en plus d’être, depuis quelque temps notamment, un levier d’influence politique.
L’Europe a opté pour une politique commune de visas, dans le cadre de l’espace Schengen, réunissant 26 pays, dont la majorité sont membres de l’Union européenne, en plus de la Suisse.
Le visa obtenu auprès d’un pays membre permet à son titulaire d’accéder aux territoires des autres pays membres.
En 2022, les services consulaires des 26 États membres ont reçu un total de 7,5 millions de demandes, dont 5,9 millions ont été satisfaites. Le taux de refus était de 17 % (1,3 million de demandes de visa rejetées). En 2023, 10 millions de visas ont été délivrés.
S’agissant de la France, le nombre de demandes a explosé après la fin des restrictions relatives à la pandémie de Covid-19, passant de 874 000 demandes en 2020 à 3 486 000 demandes en 2024. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 2,85 millions de demandes ont été satisfaites l’année passée, pour 578 000 refus. La tenue des JO 2024 à Paris l’été dernier a sans doute joué un rôle dans cette hausse.
La France est le pays le plus sollicité pour le visa Schengen, ses consulats à travers le monde recevant un quart du total des demandes. Elle est suivie de l’Allemagne et de l’Espagne.
En Algérie, 70 % des demandes passent par la France, 20 % par l’Espagne.
En 2024, sur les 2,8 millions de visas délivrés par la France, 250 000 l’ont été pour les demandeurs algériens, troisième nationalité après les Marocains (283 000) et les Chinois (562 000), selon les chiffres dévoilés par le ministère de l’Intérieur français.
Pour les Algériens, il s’agit d’une nette augmentation, comparativement aux 210 000 visas accordés en 2023. Mais on reste très loin du record de 2017, année durant laquelle 413 000 visas avaient été accordés par les trois consulats de France en Algérie.
Il existe trois types de visas Schengen. Le visa de transit permet la traversée de l’espace Schengen pour se rendre dans un autre État ou le passage par la zone internationale d’un aéroport.
Le visa de court séjour, le plus sollicité et le plus délivré, permet des séjours, notamment touristiques, de moins de 90 jours. Enfin, le visa de long séjour ouvre le droit à des séjours longs, de plus de 90 jours. C’est le type de visa délivré par exemple aux étudiants et aux travailleurs.
Visas Schengen pour les Algériens : les primo-demandeurs touristiques indésirables
À l’automne 2021, le gouvernement français a décrété une baisse de 50 % pour les demandeurs des États du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) afin de contraindre les gouvernements de ces pays à coopérer dans la reconduite aux frontières des immigrés clandestins. La mesure a été toutefois levée officiellement en décembre 2022.
Cette année-là, l’Algérie avait enregistré le taux de refus le plus élevé, pas seulement de la France, mais de tous les pays de l’espace Schengen, avec près d’une demande sur deux rejetée (48,2 %).
La France, et tous les États membres de l’espace Schengen, ont opté pour une démarche sélective dans la délivrance des visas, privilégiant les catégories qui “font la relation bilatérale” et resserrant la vis sur tous ceux qui sont perçus comme susceptibles d’être des candidats à l’immigration.
Dans un entretien à TSA en septembre 2022, Marc Sédille, alors consul général de France à Alger, expliquait que « toutes les demandes sont étudiées avec attention, mais les dossiers auxquels on va attacher un intérêt particulier, sont ceux des gens qui concourent à la vitalité de la relation bilatérale, notamment les hommes d’affaires, les journalistes, les artistes… »
Le diplomate avait révélé que le consulat de France avait signé plus de 180 partenariats avec des entreprises privées algériennes, des institutions, des ministères, des organisations patronales…
Le gros des visas délivrés est obtenu par ces catégories, ainsi que les étudiants et ceux qui se déplacent pour des motifs familiaux.
Les demandeurs de visas pour des motifs de tourisme, pour la France et l’ensemble de l’espace Schengen, sont de facto pénalisés par cette politique de visas ciblée mise en œuvre. Obtenir un tel visa est encore plus difficile si la demande est introduite pour la première fois.
Les dossiers de cette catégorie ont très peu de chances de passer l’étape de l’étude en ligne et il leur est très difficile même d’obtenir un rendez-vous.
C’est dans cette catégorie que les services consulaires croient identifier les futurs immigrés clandestins, ce qui n’est pas souvent exact. Cette difficulté à obtenir un visa touristique pour l’Europe a fait que les Algériens privilégient désormais d’autres destinations (Turquie, Tunisie…), avec une nette baisse du nombre de demandes de visa Schengen par rapport au niveau du milieu des années 2010.