Politique

Visas, France, Maroc, Russie : Tebboune se confie sans tabous

Le président Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview exclusive au Figaro. Aux questions précises du journal français sur les relations avec la France, la situation interne en Algérie, la crise avec le Maroc, la guerre en Ukraine ou encore la situation au Sahel, le président algérien a répondu sans prendre des chemins détournés.

Abdelmadjid Tebboune a annoncé à l’occasion qu’il se rendra en France,  en « visite d’Etat », au courant de l’année 2023. Au passage, il réitère qu’il a « une certaine complicité » et « une amitié réciproque » avec le président Emmanuel Macron en qui il dit voir « l’incarnation d’une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre nos deux pays », même si, reconnaît-il, « nous avons eu, lui comme moi, des formules malheureuses ».

Le chef de l’État a dit souhaiter qu’un match de football Algérie-France soit organisé, en Algérie, tout en mettant en garde qu’il n’acceptera pas « qu’on siffle un hymne national ».

Pour Abdelmadjid Tebboune, les relations entre les deux pays ont besoin, pour s’apaiser, que la France se libère de son complexe de colonisateur et l’Algérie de son complexe de colonisé, soulignant que le regard envers l’Algérie doit changer car le pays est très différent de ce qu’il était en 1962.

Au chapitre de la mémoire, Abdelmadjid Tebboune a indiqué qu’« une partie de la colonisation doit être dépolitisée et remise à l’histoire », d’où la décision de nommer de part et d’autre des commissions d’historiens.

Il a notamment demandé que la France nettoie les sites des essais nucléaires à Reggane et Tamanrasset et qu’elle prenne en charge les soins médicaux des personnes sur place.

« Les Algériens devraient avoir des visas de 132 ans »

Sur le retour à la normale dans la délivrance des visas, annoncée récemment par le ministre français de l’Intérieur, le président Tebboune a estimé que « c’est simplement dans la logique des choses », soulignant que la mobilité entre les deux pays est régie par les Accords d’Évian et ceux de 1968.

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Cette circulation « a été négociée et il convient de la respecter », dit-il. « Les Algériens devraient avoir des visas de 132 ans », a-t-il ironisé.

Interrogé sur les « contreparties » de la décision française, il a répondu, d’abord concernant la délivrance des laissez-passer consulaires : « Le volume de laissez-passer consulaires a augmenté, mais ce n’est pas le nombre qui compte, c’est le respect des principes. » Le chef de l’État a expliqué que lorsque « ceux qui ont seulement la nationalité algérienne » ne respectent pas la loi, les laissez-passer sont délivrés.

L’autre supposée contrepartie, c’est l’augmentation des flux de gaz algérien vers la France. Abdelmadjid Tebboune a répondu sans ambages : les autorités françaises n’ont pas exprimé une telle demande et si elles le demandaient, l’Algérie augmentera ses livraisons.

La place de la langue française en Algérie a été aussi abordée. Le président de la République a d’abord nié tout recul de cette langue, puisque 27 millions d’Algériens la parlent contre seulement 900.000 en 1962.

Mais, souligne-t-il, l’Algérie ne s’est pas libérée pour faire partie d’un « Commonwealth linguistique » et que, du reste, « l’anglais a la cote car c’est une langue universelle ».

« L’équipe du Maroc a honoré le football maghrébin »

Au sujet de la crise avec le Maroc, Abdelmadjid Tebboune a réitéré que « c’est le régime marocain qui cause des problèmes, pas le peuple marocain » dont 80 000 ressortissants vivent en Algérie « en bonne intelligence ».

D’ailleurs il affirme avoir applaudi le parcours en Coupe du monde de l’équipe du Maroc qui a honoré le football arabe et maghrébin, comme les Marocains avaient soutenu l’Algérie à la CAN 2019.

Sur les médiations entre les deux pays, M. Tebboune s’est de nouveau montré catégorique : « Aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous. »

Interrogé sur les relations avec la Russie, M. Tebboune a révélé qu’il se déplacera en 2023 également à Moscou et indiqué qu’il n’approuve pas et ne condamne pas l’opération russe en Ukraine.

« Personne ne pourra jamais satelliser l’Algérie », a-t-il asséné. Sur la présence du groupe Wagner au Mali, le président algérien estime que « l’argent que coûte cette présence serait mieux placé et plus utile s’il allait dans le développement du Sahel ». « Là-bas, la solution est à 80 % économique et à 20 % sécuritaire », assure-t-il.

La situation interne en Algérie a été également abordée dans l’entretien. Tebboune a indiqué que l’armée a été d’une grande sagesse pendant le Hirak, ajoutant que son élection a marqué « le début du changement » qu’il avait « demandé deux ans plus tôt », ce qui lui avait « valu d’être limogé de (son) poste de Premier ministre ».

Sur sa décision de se présenter ou pas pour un deuxième mandat, il dit préférer la réserver aux Algériens et, s’agissant de l’islamisme en Algérie, il assure qu’il est « derrière nous » et « ne représente plus un danger politique ».

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